samedi 28 août 2010

Chez Sarah #3 : The Wake - Crush The Flowers [Sarah 21]

Autant le dire tout de suite, The Wake est sans doute le groupe le plus atypique de Sarah Records. Pas pour sa musique, qui s'intègre sans trop de difficultés au catalogue de la maison, mais plus pour le plan de carrière : The Wake est un des rares (le seul ?) groupe de Sarah à avoir connu son heure de gloire (bien mince, forcément) avant son passage à Bristol. Les écossais avaient en effet sorti entre 1982 et 1987 deux albums et quelques singles du côté de Manchester et du cultissime label Factory cher à Tony Wilson (Joy Division, New Order ou les Happy Mondays, pour n'en citer que les plus évidents représentants). Originalement branché post-punk, le groupe (dont Bobby Gillepsie fut membre, au tout début de l'aventure) avait entamé le virage indie-pop dès 1985, sur l'album Here Comes Everybody. Avant donc que Clare Wadd et Matt Haynes, amateurs de longue date, ne réussissent à convaincre Gerard "Caesar" McInulty, leader du groupe (à l'époque en froid avec son précédent label), de s'engager chez Sarah, pour une première sortie, le single Crush The Flowers (nous sommes en Octobre 1989).

La face-A est logiquement confiée à Crush The Flowers (=>), qui débute par une boucle (samplée ?) de synthé sautillante, mais à l'arrière goût cold-wave. L'entrée de la batterie et de la basse (géniale pour porter le morceau) ne fait que confirmer les dispositions dansantes de la chose. Carolyn Allen déboule ensuite, jeune fille à la voix immature mais au ton véhément, pour indisposer Caesar qui, dans les cordes, semble répondre avec la gêne de celui qui ne sait plus trop quoi faire, ni quoi dire. L'échange se poursuit pour une bonne partie de la chanson, sur fond d'une mélodie de printemps, souriante et détachée, en parfait contraste avec le serieux des propos tenus par les protagonistes ("Are you really so hard in your heart ?" demande Carolyn sur le refrain). La guitare fait une apparition brève mais remarquée sur un pont en montagnes russes, jusqu'au croisement des deux voix, chacune dans une exclamation différente. Pour échapper à toute cette tension, rien de mieux qu'un défouloir : la chanson se termine donc sur une répétition de la formule "Crush the flowers", véritable concept qui marque à la fois un caractère clairement enfantin, sans pour autant masquer une petite part de méchanceté, dans un geste fort et assumé. Sous le délicieux vernis de sucre glace d'une pop-song coquine, tout n'est finalement qu'ambiguïté, quelque part entre innocence et insolence.

Les réjouissances continuent sur la face-B (signalée cependant comme deuxième face-A), intitulée Carbrain (=>). Les rôles instrumentaux sont inversés : la guitare est bien plus présente; le synthé, à l'inverse, légèrement plus en retrait (sauf peut-être sur le refrain qu'il vient souligner). L'ensemble est laissé cette fois à la voix du seul Caesar, Carolyn ne se chargeant que des backing vocals. Sur les couplets, le chant s'exprime de façon saccadée, par demi-phrases envoyées chacune avec une intonation propre, qui semble parfois fataliste, parfois sensuelle, souvent vaguement ironique. Les paroles semblent décrire des scènes d'un quotidien désuet, comme on raconterait les histoires liées à des photos de jeunesse ("the taste of cold lemonade"), alors que la mélodie se garde encore de dire son nom (si ce n'est via la basse, à nouveau en verve), préparant un refrain que la composition se fait un malin plaisir de ne pas dévoiler immédiatement. Mais quand il débarque finalement, l'évidence est totale : la diction semble plus fluide (mais l'est-elle vraiment ?), la batterie nous dégourdit les jambes, la mélodie éclate comme des ronds dans l'eau, les choeurs rayonnent dans un regard complice. Des choeurs qui rendent presque à eux seuls la chanson terriblement attachante, dans un final lumineux où ils sont laissés seuls en vis-à-vis d'arpèges de guitare purs et délicats. Et comment ne pas souhaiter, à cet instant-là, que cela dure éternellement ?

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