jeudi 31 mars 2011

Playlist #9 : March Madness

Je ne sais pas vraiment pourquoi je titre sur la folie de Mars, alors que je n'ai regardé aucun match du tournoi NCAA ... On dira que je n'avais pas d'autre inspiration. Quoique, mince, ce concert, d'Allo Darlin', c'était de la folie (j'ai d'ailleurs trouvé des photos de la soirée, qui ont été ajoutées à l'article, merci à Mémona Cazals (=>)). Sinon, j'ai pas envie de parler de moi, donc je signale simplement qu'il faut venir voir Crocodiles au Saint des Seins le Lundi 4 Avril (il m'arrive d'offrir des Hoegaarden ... encore faut-il me trouver). Voila, c'est dit. Et puisque la nouvelle vient de tomber, Pulp, oui, Pulp, au Bikini le 25 Mai, ça sent l'éclate totale. L'image du mois est une très belle vidéo d'animation, qui sublime l'oeuvre d'un ailier gauche de talent.


1/ Red Shoe Diaries - Underage Disco (sur l'EP Debut EP, autodistribué en 2009)
Parce que même si j'ai l'âge, on me demande trop souvent ma carte d'identité ...

2/ Allo Darlin' - Henry Rollins Don't Dance (sur le single Henry Rollins Don't Dance, sorti chez WeePOP! Records en 2009)
Clin d'oeil aux deux membres d'Another Sunny Night venus jusqu'à Toulouse réclamer avec moi qu'elle soit jouée.

3/ Les Chaplinn's - Sunny Day (sur la compilation Garden Party, sortie chez Alienor Records en 1992)
La vague jangly-pop a aussi touché les côtes françaises.

4/ Pendentif - Riviera (sur l'EP Pendentif, sorti chez La Bulle Sonore en 2011)
Innocent mais ravageur. En tous cas, de nouveaux petits français sur lesquels se concentrer ...

5/ The Bilinda Butchers - Stevie Nicks (sur la compilation Tribute To Club Tropicana, sortie chez Beko-Dsl en 2010)
Dédicacé à un certain fan de Stevie Nicks (je me fous que ce soit déjà la deuxième fois).

6/ Goodnight Monsters - Being Cool (sur l'album Summer Challenge, sorti chez Bone Voyage Recordings en 2008)
Parait que seuls les gens qui fument sont cools. Je n'y crois pas une seconde.

7/ My Bloody Valentine - She Loves You No Less (sur l'album Ecstasy, sorti chez Lazy Records en 1987)
Une incarnation bruyante de l'insouciance.

8/ The Raveonettes - Recharge & Revolt (sur l'album Raven In The Grave, à paraître chez en 2011)
Composition fleuve, pour une traversée hallucinée des Etats-Unis.

9/ Galaxie 500 - Tugboat (sur l'album Today, sorti chez Aurora Records en 1988)
It's a place I'd like to be, a place I'd be happy.

10/ Yuck - Shook Down (live au Mellow Johnny's Bike Shop à Austin, le 16 Mars 2011)
Le live de clôture de ce mois-ci date de ce mois-ci. On n'arrête pas le progrès.

lundi 28 mars 2011

Out This Week #9 : The Pains Of Being Pure At Heart - Belong

Ils sont donc de retour. Ils n'avaient pas disparu, loin de là. Ils étaient même restés finalement très présents, comme en berçant notre été 2010 de leur Say No To Love. Mais le temps est venu, ce 28 Mars, de franchir une étape supplémentaire, pour The Pains Of Being Pure At Heart. Un groupe chéri depuis un peu plus de deux ans maintenant, pour avoir saisi à bras le corps la destinée d'une indie-pop (noisy ou anorak, selon les moments) qu'ils ont tout simplement sublimée, par le biais d'un premier album incandescent, et de chansons inoubliables. Un groupe qui sort donc aujourd'hui son deuxième album, intitulé Belong, encore et toujours chez Slumberland Records et Fortuna Pop! (avec le soutien de PIAS pour l'Europe). Et cet album, je l'ai attendu sans doute comme aucun autre. Peut-être parce que ce groupe m'est, justement, cher comme aucun autre. Que ces New-Yorkais m'ont embarqué avec eux un petit matin sans me laisser d'autre choix que de leur confier la bande originale de ma vie. Qu'ils m'ont fait tout oublier un soir de Mai 2009, lors d'un concert mémorable, propulsant une péniche entière higher than the stars. Pourquoi je vous raconte tout ça ? Pour justifier de l'absence totale d'objectivité des propos qui vont suivre. Parfois, le coeur a envie de parler, et il n'est à l'évidence pas le plus mal placé pour juger d'une histoire vécue aussi intensément.

Le nouveau chapitre s'ouvre avec la chanson titre Belong (=>), qui s'était vue décerner le titre d'hymne de mon printemps dès Février, quand avait été annoncé qu'elle serait un single. Les arpèges délicats (dans une évocation du Soon de My Bloody Valentine) sont bien vite emportés dans une bourrasque de fuzz qui peut surprendre tant elle marque l'arrivée aux commandes d'Alan Moulder et de Flood pour donner une identité sonore au groupe. Qu'importe, car la composition dévoile une mélodie pure et éclatante, mettant aussi en valeur la voix de Kip Berman, plus sensible que jamais. Les couplets sont ravagés, vont de questions en réponses (le "We tried each other, let's try another." inaugural se voyant répondre plus loin un "We tried another, let's try each other." résolu), puis le refrain s'envole en intensité. Puisque les choses sont lancées, on peut plonger dans Heaven's Gonna Happen Now (=>), petite bombe bien dans le style des productions précédentes : batterie et guitares affolées, mélodies craquantes, deuxième couplet emmené par la basse d'Alex Naidus, larsens disséminés par Christoph Hochheim (crédité très officiellement dans le livret, il faut le signaler), solo irrésistible, paroles à tomber de tendre naïveté. Rien ne manque au tableau, et comme au premier jour, il semble clair qu'on ne s'en remettra que difficilement. Et ce n'est pas Heart In Your Heartbreak (=>), single envoyé en éclaireur fin 2010, et joué la semaine dernière chez Letterman, qui viendra mettre en cause la qualité irréprochable des compositions.



Le premier vrai pari stylistique vient ensuite par l'entremise de The Body (=>), qui met comme rarement en avant le synthé de Peggy Wang, autour d'un gimmick rebondissant, puis de nappes glacées lors des refrains. Les guitares semblent en retrait, au contraire d'une basse très mouvante, et du jeu de batterie de Kurt Feldmann, qui claque et dépote façon New Order. Le résultat, c'est une folie noisy-discoïde autour de préoccupations adolescentes bien connues ("Tell me again what the body's for, cause I can't feel it anymore."), qui donne à la musique des Pains un vertige délicieux. Il est d'ailleurs dommage que la transition avec la ballade Anne With An E (=>) se fasse si brutalement. J'identifie ce passage comme, malheureusement, le seul point faible du disque, tant cette chanson, sans conteste pétrie de bonnes intentions, mais quelque peu convenue (ceci dit, le songwriting n'est pas mauvais en lui-même), vient briser un rythme infernal dont on aurait aimé qu'il ne retombe qu'une fois le disque définitivement arrêté. Peut-être que faire exploser ce morceau dans un bruit blanc aurait pu apporter un élan qui, je trouve, manque, mais après tout, c'est pas pour ce que j'ai écrit comme pop-songs que je peux donner quelque conseil que ce soit. Bref, une fois prise cette respiration, on se jette à corps perdu dans la superbe Even In Dreams (=>) qui constitue à mon sens la réussite ultime de ce nouvel album. Allez savoir ce que révèle chez moi cette ambiance nocturne et très années 1980, mais le groupe trouve ici une simplicité désarmante autour d'un couplet aux doux murmures, puis d'un refrain, amené dans l'excitation, où la fuzz éclate en même temps que l'émotion, comme on éclate en sanglots dans les bras de quelqu'un à qui l'on avoue qu'on l'aime. Le pont ouvre alors un champ de possibles renversant, une immensité à éprouver le coeur chancelant, particulièrement quand Kip ajoute d'un souffle un "And I do". Une chanson impossible d'évidence.


Il faut pourtant s'en relever car il reste de belles choses, à commencer par My Terrible Friend (=>) (deuxième référence aux Field Mice en autant d'albums, après la géniale This Love Is Fucking Right! ?). On y retrouve en première ligne le synthé cristallin de Peggy Wang, dans une ambiance qui renvoie énormément à leur Higher Than The Stars : batterie légère mais décidée comme une boîte à rythmes, refrains instrumentaux, sensation de s'échapper dans une lumière chatoyante. Les choeurs en font à peine trop, mais c'est de l'anorak-pop décomplexée et irrésistible, qui assume à merveille sa fragilité, son innocence, en ouvrant le droit de danser sur une mélodie rêveuse. C'est assez clairement parfait. De son côté, Girl Of A 1000 Dreams (=>) renvoie à une toute autre facette du groupe, celle du tout premier EP détraqué, il y a 4 ans déjà (2007, une éternité ...). Au menu, une fuzz délurée, une batterie sauvagement martelée, et une jeunesse incandescente, aux relents punk (gorge serrée, urgence totale), qui croise le fer avec les choix radicaux de The Jesus And Mary Chain (le feedback, encore et toujours). Le grand shoot d'adrénaline du disque, insolent et sans limite, forcément joussif. D'où un contraste déroutant quand s'ouvre Too Tough (=>), qui, dans sa construction (en particulier un pont qui laisse seule une guitare splendide de délicatesse), constitue un bel écho à Stay Alive, qui illuminait leur premier album. Un instant où les sentiments prennent une puissance rare, quand la fêlure ne peut que trop difficilement se cacher ("You're too tough, to say that it's all too much ..." ), que les blessures se rouvrent. Pourtant, la mélodie figure un soleil d'hiver fatigué mais idéal, qui tient autant d'une indéniable tristesse, que d'un lointain espoir, comme s'il n'était pas trop tard.


Et puisqu'il faut conclure, Strange (=>) déploie un beat quasi-Madchester, ouvrant la voie de guitares qui sonnent comme un rêve éveillé, une caresse tendre, guide d'une mélodie brillante qui se développe lentement, emporte tout dans un tourbillon affectif démesuré, celui d'une solitude vécue à deux, au creux d'un amour de gens étranges, contemplatifs, et qui, par dessus tout, croient en leur différence comme en une force. Un peu plus de quatre minutes pour susciter la sensation bouleversante d'une envie de danser jusqu'à l'épuisement, en fixant le ciel et les étoiles, seules limites valables quand plus rien n'a d'importance. Alors, l'impression est tenace : The Pains Of Being Pure At Heart sortent avec ce Belong une oeuvre dont il sera impossible de se défaire. Leur pari de diversifier la forme, en la rendant aussi plus forte et assurée, pouvait sembler risquer, tant leurs compositions vont chercher leur intensité dans une adolescence vécue et décrite comme une réalité écorchée. Pourtant, le résultat est un nouvel équilibre tout aussi intéressant : celui d'un groupe plus adulte mais qui ne se renie à aucun moment. Peut-être faut-il y comprendre que les coeurs purs peuvent aussi s'assumer, s'affirmer. Et autant pour eux que pour moi, je trouve ça rassurant.

mardi 22 mars 2011

Chez Sarah #11 : The Sea Urchins - Solace/Please Rain Fall [SARAH 8]

Si j'avais eu un tant soit peu de logique, ma série des "Chez Sarah" aurait commencé par The Sea Urchins. Pour la simple et bonne raison que le groupe de West Bromwich, juste au Nord de Birmingham, a ceci de spécial qu'il est la toute première référence de Sarah Records, leur single Pristine Christine ayant ouvert la destinée du label en 1987. Il faut dire que la formation, émergée en l'an de grâce C-86, avait sorti ses premiers flexi-discs, accompagnant des fanzines, respectivement avec Kvatch, édité par Clare Wadd, et Sha-la-la, dont un des principaux organisateurs n'était autre que Matt Haynes. Pas très étonnant donc de retrouver tout ce petit monde, qui s'était déjà pas mal tourné autour, une fois que le label de Bristol fut lancé. Mais la logique n'étant pas mon fort, je n'évoque la bande menée par James Roberts (au chant, et à la composition) qu'aujourd'hui, et par leur second single, le double face-A Solace/Please Rain Fall, sorti en Juillet 1988.

La première face-A s'intitule Solace (=>), produite par Joe Forster, un des fondateurs de Creation Records. Elle met en scène, dès l'ouverture, une guitare tranchante et délurée, ainsi qu'une batterie violente, à tel point qu'on se demande si l'on est bien chez Sarah Records. Heureusement, ces deux éléments, présents tout au long de la chanson, vont bien vite reculer dans l'agencement sonore, laissant s'exprimer un clavier complètement 60's, et surtout l'incroyable voix de James Roberts, nasillarde au possible, et pourtant toujours dans le ton, de sa plainte inimitable mais bêtement craquante. On se trouve fatalement bien vite entraîné par cette instrumentation quasi-garage-rock, qui cache pourtant une mélodie douce et ondulée du plus bel effet. Le grand moment est l'intervention impromptue d'un solo de guitare complètement classe, indiciblement déchiré et déchirant. Mais l'impression globale, sans trop que l'on sache pourquoi ni comment cette sensation émerge, c'est qu'un groupe estampillé Sarah, même en se permettant des choix radicaux, garde toujours ce rien de fragilité, si important.

La seconde face-A, par contre, est absolument dans le ton habituel du label de Bristol, au point d'atteindre même le rang de symbole. Please Rain Fall
(=>) est un de ces morceaux qui confèrent au mythe, car ils manient une imagerie tout simplement renversante. La pluie est en effet, allez savoir pourquoi, un de ces thèmes intouchables d'une indie-pop romantique et naïve, qui se plait à la contempler par-delà une fenêtre, les yeux perdus dans le vague, la tristesse sublimée. Cette chanson s'impose en exemple parfait, dévoilant un mid-tempo déprimé qui met en valeur des jangly-guitars Byrdsiennes magistrales, dont les arpèges ramènent à la beauté furtive d'instants idéaux. La voix de James Roberts traîne juste assez pour être totalement désarmante, jusqu'à cette montée pour un refrain chargé de sensibilité, marqué au plus profond par ces choses qui nous dépassent ("Right into my head, and all around me ..."). La mélancolie, soulevée par une mélodie à la fatigue sincère, s'immisce sans dire mot, comme suggérée par cette batterie qui frappe par minuscules touches, à la manière d'autant de gouttes d'eau. Mais, plus que de pluie, on comprend facilement qu'il s'agit sans doute d'un déluge ... de sentiments.

mercredi 16 mars 2011

Made In France #3 : My Raining Stars

Comme certaines des plus belles histoires, celle de My Raining Stars (=>) commence par les rêveries mélancoliques d'un garçon qui, accompagné d'une guitare, se dit qu'il peut réécrire le monde sous forme de pop-songs. Thierry Haliniak, originaire de la région d'Auxerre, écrit seul, des chansons qu'il soumet seulement à ses proches, sans s'imaginer que son audience puisse dépasser ce cadre très personnel. Parfois, il va même jusqu'à les enregistrer sur un 4-pistes de fortune, avec les moyens du bord, en s'occupant de tout. Parmi le public de ces demos de fond de chambre, on trouve aussi E-Grand et Mathéa, deux anciens camarades de jeu de Thierry au sein d'un groupe nommé Nothing To Be Done (une preuve de goût, à l'évidence). Ce sont ces derniers qui vont donner un tout autre chemin à la destinée de My Raining Stars : convaincus que ces quelques chansons méritent bien mieux que la production artisanale et amateur d'un 4-pistes à K7 déglingué, ils soumettent l'idée à leur auteur de prendre en main les arrangements pour, tout en gardant la structure et les lignes mélodiques, offrir aux morceaux un éclat nouveau. Un travail qui aboutit en 2008 avec la sortie auto-distribuée de From St Saviour To Quickwell, un premier album de pure indie-pop, tel qu'on peine presque à croire qu'il est issu de l'hexagone ...

On peut prendre par exemple, (presque) au hasard, Gone Forever More (=>), habillée plutôt rock avec un riff tranchant sur les couplets, accompagné tout-de-même d'arpèges réverbérés plutôt chatoyants. Se crée une légère tension, dont nous extirpe pourtant un refrain up-tempo magistral, mélodie envolée et guitares shoegazing en avant. Le final duplique la sensation d'un moment lumineux, dont on ne sait plus s'il est éclaté ou éclatant (sans doute les deux). Mais le répertoire de My Raining Stars sait aussi faire dans la douceur, comme sur la très belle Head Over Heels (=>), façon petit matin fatigué, les yeux dans le vague, acoustique libérée, et éclairée d'une électrique inspirée. Des choeurs subtils viennent soutenir le chant de Thierry sur un refrain insaisissable, d'une tendre rêverie, tandis qu'on goûte pour terminer à des "la-la-la" légers et enfantins, simples et touchants. Mais ma préférence la plus absolue est sans conteste pour Riding For A Fall (=>), jangly pop-song dans la plus pure tradition, baignée de délicate nostalgie, mais menée à un rythme permettant d'esquisser de timides pas de danse. Une chanson marquée par deux passages particulièrement désarmants : le premier quand des "You won't be my star" sont glissés d'une voix désabusée juste ce qu'il faut, dans un moment de respiration acoustique chargé de sentiments. Le second, au cours d'un pont guidé par une basse agile, dépose une mélodie affolante d'évidence, et fait s'entrecroiser un chant dédoublé avouant une fragilité émouvante, la même qui nous ébranle à l'écoute de certains passages phares de la vague C86. Cette indie-pop aux lignes claires, My Raining Stars l'a pour l'instant déployée sur onze morceaux imprégnés d'un songwriting sensible, magnifiés d'arrangements éloquents. Espérons que de nouvelles demos connaissent le même sort, et nous parviennent. Il pleuvra sans doute à cette occasion quelques jolies étoiles ...

jeudi 10 mars 2011

Live report #5 : Allo Darlin' + Alone With Everybody @ Le Saint des Seins

Rendez-vous (immanquable) était pris en ce Mercredi 9 Mars, au Saint des Seins, le bar "rock" de cette chère place Saint-Pierre, bien plus connue pour ses beuveries alcoolémiques que pour ses rassemblements de fans de twee-pop. Qu'importe, puisque c'est là, grâce aux bonnes âmes de l'asso Toulousaine FriendsofP (=>), que les anglais (à chanteuse australienne) d'Allo Darlin' nous avaient donné rendez-vous pour un de ces concerts à échelle réduite mais à plaisir maximal dont ils ont le secret. Concert de lancement de ma saison aussi, d'ailleurs. Bref, après avoir été embarqué dans un apéritif qu'on qualifiera de piégeux (du genre où il y à boire pour 5 ou 6, mais où on se retrouve à deux), puis dans un repas de "restauration rapide lente" (je sais pas comment qualifier ça autrement) trop longtemps attendu, je débarque en compagnie de mon cher meilleur ami (que j'amène souvent voir des trucs qui devraient le faire fuir, mais qui me fait une confiance surprenante, même si je lui paye la place pour le convaincre) sur les lieux aux environs de 21h30, ce qui semble raisonnable pour un concert annoncé vers 20h ou 20h30 selon les sources. J'ai mis, comme il se doit, mon plus beau T-shirt Sarah Records pour fêter tout ça.
En raison de mon retard, ne comptez pas trop sur moi pour vous offrir un récapitulatif correct et exhaustif de la prestation du Toulousain Alone With Everybody (=>). Camille, de son prénom, ancien guitariste de The Red Lips, groupe local émergé avec la vague post-punk de la dernière décennie, a pris ses aises en solo, à l'aide de sa guitare, autour d'accords simples mais agencés en de subtiles mélodies, et d'une jolie voix. Sur scène, en tous cas ce soir, en tous cas à partir du moment de son set où je suis arrivé, il est simplement accompagné d'un clavier qui saura se montrer discret, et souligner avec pertinence quelques passages. L'ensemble est souvent de cette tristesse légère, de cette solitude aussi, qui collent difficilement à l'ambiance de ce bar bruyant d'un sud de la France exubérant. La musique d'Alone With Everybody prend sans doute sa pleine mesure dans des environnements plus calmes, mais cet aperçu permet déjà d'observer de belles qualités dans la composition. Le garçon est donc à suivre.
La voie est libre pour accueillir, après quelques minutes passées étonnamment vite, le quatuor Allo Darlin'. La composition est ainsi faite : Michael Collins assure un job appliqué à la batterie, Paul Rains apporte du rêve grâce à sa guitare (et quand il prend sa Rickenbaker, ça en devient splendide), Bill Boting officie à la basse en sautillant avec un sourire inébranlable (détail qui tue, il enlèvera ses Converse dès le troisième morceau, pour passer toute la soirée en chaussettes), et enfin, last but not least, Elizabeth Morris joue de sa féminité, sa tendresse, un peu de sa timidité, et surtout de sa joie de vivre aux commandes d'un ukulélé que j'aurais imaginé moins présent, mais qui finalement sait trouver sa place dans un son juste assez bordélique pour être totalement ravissant. Alors que j'ai gagné le premier rang, le groupe ouvre sur If Loneliness Was Art et ses "shalala" qu'on ne peut s'empêcher de chanter, donnant au passage le ton du concert. La suite de la set-list saura passer en revue les tubes magistraux de leur premier album, tout en laissant une jolie place à quelques nouveaux morceaux (et peut-être à des faces-B qui m'auraient échappé ?). À ce petit jeu, je retiens, en vrac, The Polaroid Song ("A song about taking pictures", nous dit Elizabeth) (entrecoupée d'un pont spécial qui a débordé ma perception), la jouissive Kiss Your Lips, qui ouvre le droit d'exulter, et puis, et puis, je pourrais citer tous les morceaux de l'album joués, vous avez très bien compris que j'ai adoré ... Comment résister au romantisme divin des couplets de Dreaming ? Comment ne pas se laisser emporter par la tempête du refrain marqué par une batterie dingue sur My Heart Is A Drummer ? Même les petites nouvelles sont immédiatement entrainantes (bon présage en vue d'un second album qu'ils enregistreront très bientôt), à l'image de Europe, qui si j'ai bien compris débute par une question existentielle, mais dérive bien vite vers un pur moment de magie. Les premiers rangs bougent sans retenue, s'éclatent et s'amusent, moi le premier, même si le prix des plus beaux pas de danse revient sans nul doute à mon camarade cité plus haut, qui bien qu'absolument pas connaisseur du groupe a semblé trouver le moment tout-à-fait agréable. Il faut dire que pendant tout le set, l'énergie twee est absolument prenante, communicative, toujours dansante, parfois émouvante aussi. Après avoir salué toute la soirée d'applaudissements nourris, le public demande fort logiquement un rappel, obtenu comme il se doit. Alors que des jeunes filles veulent obtenir en échange d'une rose dieu sait quelle faveur du bassiste, je réclame (au risque d'y laisser ma voix) avec un couple de voisins de concert particulièrement sympathiques que soit jouée la géniale Henry Rollins Don't Dance (=>) ... Nous serons entendus en clôture par le groupe pour un dernier très grand moment de bonheur, histoire de ne pas finir sans avoir laissé nos jambes s'épuiser complètement. La suite appartient à l'histoire, puisque j'escroque mon camarade de quelques euros pour acheter le CD du groupe sur leur stand, avant de danser ridiculement sur du Devo et du Kraftwerk (merci le DJ), puis, au moment de partir, d'aller remercier de quelques mots sans doute un peu maladroits (j'ai à l'évidence un déplorable accent quand je parle anglais et que j'ai un peu bu) Elizabeth pour ce concert qui a fait éclater ma jauge de joie de vivre. Et, signe qui ne trompe pas, en écoutant leur album ce matin (c'est-à-dire le lendemain du concert, au moment où j'écris ces lignes), en plus du sourire béat que ces chansons déposent sur mon visage, une pointe fine et délicieuse de nostalgie vient me rappeler qu'hier soir, tout était parfait ... au point de me rendre (ainsi qu'à, je l'espère, la plupart des gens venus au concert) tout simplement heureux.

dimanche 6 mars 2011

Un single #18 : My Bloody Valentine - You Made Me Realise EP [1988]

Amoureux du bruit qui court, voici un single qui n'a pu que vous marquer, tant il relève du mythe. Il faut bien dire que My Bloody Valentine viennent à l'époque de signer chez Creation Records (cela s'est fait en 1987), et qu'ils vont découvrir le fait de travailler sur une structure capable de leur offrir un vrai soutien logistique, bien plus en tous cas que Lazy Records, chez qui ils sortent juste avant le single Strawberry Wine et le mini-album Ecstacy (déjà pas si éloignés du statut de références majeures du mouvement noisy-pop). Bref, la sortie de You Made Me Realise à l'été 1988 sur le label d'Alan McGee fait donc office de tournant, comme si Kevin Shields, non content d'écrire des pop-songs souvent magistrales, prenait conscience qu'il peut leur donner un aspect totalement inédit sur un plan formel. La dimension atteinte relève à certains égards de l'inimaginable, mais décrit pourtant à merveille l'éventail de possibilités qui mènera les Irlandais là où l'on sait.

You Made Me Realise se montre incontrôlable dès son commencement. La batterie est martyrisée par un Colm Ó Cíosóig furieux, les sont guitares terriblement bruyantes. Le couplet (puis le refrain à suivre, quasi-indissociable) est un modèle d'urgence pop, dont la brutalité frappe directement, en plein coeur, mais dont la mélodie acidulée et hallucinée marque peut-être tout autant par son immédiateté. Kevin Shields et Bilinda Butcher partagent des paroles énigmatiques lancées comme de très loin, nerveuses jusqu'à ressembler à de l'épuisement, à la façon de ces émotions exprimées sans ménagement quand on ne peut plus les contenir. Puis le brûlot glisse dans l'impossible quand, après un début de solo, la basse bourdonne et ouvre cet "holocauste" fait d'une fusion insondable, d'une perte de repères totale et inconditionnelle au centre d'un vacarme sans forme ni logique. Et alors qu'on croit voir notre cerveau imploser et s'éparpiller en morceaux, la pop-song refait son apparition, régénérée, prête soudain à aller réellement à son terme, toujours plus désarmante. Slow (=>) vient ensuite, sur un sample brûlant, préfigurer ce qui fera la grandeur de Loveless : mid-tempo presque sexuel, plaques de guitares et de basse ardentes, Kevin Shields qui chante entre grandeur transpirante et décadence frelatée, mélodie hypnotique et dévorante. Le final semble évoquer la lourdeur d'un soir d'été où éclaterait un orage, car soudain, malgré la chaleur rassurante, tout devient électrique, tendu.



Sur la face-B, on trébuche en premier lieu sur Thorn (=>), qui, malgré un larsen continuel qu'on pourrait vite trouver inquiétant, s'aventure sur les terres d'une noisy-pop plus ensoleillée. Mélodie bubblegum entêtante (surtout cette ligne de basse joliment délurée), Kevin Shields qui prend le chant en branleur flamboyant ("No thoughts, no dreams, no wishes and no fear."), la composition s'avère étonnamment enthousiasmante, tout-à-fait dans la veine de ce que le groupe avait proposé jusqu'alors. La suite, c'est la sublime Cigarette In Your Bed (=>), hymne romantique et usé, construit autour de breaks alternant tantôt les déflagrations de guitare (soutenues par une batterie à la lourdeur écrasante), tantôt des passages où un calme tout relatif laisse Bilinda Butcher exprimer sa sensualité. Le final est en tous points magistral, quand l'épais brouillard se trouve traversé dans une course folle, ponctuée par quelques onomatopées soufflées avec insouciance. Pour conclure, Drive It All Over Me (=>) se trouve finalement gagnée par une forme de douceur, et de simplicité. Là encore, on pense à l'époque fondamentalement C86 du groupe, tant la pop-song est éclatante, ravageuse car limpide, baignée d'une caresse de fuzz qui sait se montrer ouvertement lumineuse. La mélodie est divine, juste assez en tous cas pour donner envie de fermer ses yeux et de se laisser embarquer dans ce tourbillon délicieux, sucré et rêveur. À l'évidence donc, My Bloody Valentine venait en 1988 de réussir des débuts mémorables sur Creation Records, et d'attirer enfin réellement l'attention générale ... en même temps qu'il avait marqué durablement l'imaginaire collectif.
 
 
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