mardi 31 mai 2011

Playlist #11 : May(day)

Un mois de partiels, d'orientations, et de précarité psychologique. Un mois dément, encore plus que tous les autres. Un mois du genre à finir le cerveau grillé. Un mois pour tout réussir ou tout rater. Un mois qui se termine aujourd'hui dans un avion Air France, direction la Suède. Je vous raconterai. Et pendant que je serai là-bas, Lundi prochain très exactement, Chocolate, Love, Sex. aura un an (on m'avait pas prévenu que ça durerait autant). Au passage, je suis à nouveau présent dans le fanzine Trip Tips cher à Bertrand Redon, que vous pouvez trouver sur Toulouse et Bordeaux (Bill Callahan en couv'). Qu'il soit remercié!
L'image du mois, c'est l'affiche des siestes électroniques. Venez nombreux! (ainsi qu'à Crystal Stilts, et à The Pains Of Being Pure At Heart à Limoges, puisque tel est mon agenda)


1/ Surfer Blood - Harmonix (sur l'album Astro Coast, sorti chez Kanine Records en 2010)
We could have been the best of friends.

2/ Cloud Nothings - Should Have (sur l'album Cloud Nothings, sorti chez Carpark Records en 2011)
Jeunesse incandescente.

3/ Girls Names - Bury Me (sur l'album Dead To Me, sorti chez Slumberland Records en 2011)
Le refrain halluciné du mois.

4/ Northern Portrait - Crazy (sur l'album Criminal Art Lovers, sorti chez Matinée Recordings en 2009)
I'm going crazy, it's always happening to me.

5/ Autour de Lucie - L'Accord Parfait (sur l'album L'Echappée Belle, sorti chez Le Village Vert en 1994)
La plus parfaite des chansons. Rien que ça.

6/ Ultra Vivid Scene - Special One (sur le single Special One, sorti chez 4AD en 1990)
Non mais Kim Deal quoi!

7/ Etienne Daho - Bleu Comme Toi (sur l'album Pour Nos Vies Martiennes, sorti chez Virgin en 1988)
Et pourquoi pas ?

8/ Craft Spells - Scandinavian Crush (sur l'album Idle Labor, sorti chez Captured Tracks en 2011)
La Scandinavie, j'arrive! (ligne de basse du mois)

9/ Washed Out - Eyes Be Closed (sur l'album Within And Without, à paraître chez Sub Pop en 2011)
L'album le plus attendu (et probablement le plus sexuel) de mon été.

10/ The Radio Dept. - A Token Of Gratitude (live au Coachella Music Festival, le 16 Avril 2011)
Contre-jour magistral.

vendredi 27 mai 2011

Live report #7 : Pulp @ Le Bikini


Pulp, oui, Pulp. On peine à y croire, mais ils étaient là, ce 25 Mai 2011, jour de la fin de mes partiels, pour jouer au Bikini. Un évènement déjà cocasse et improbable s'il n'avait été rendu encore plus irréel par le tourneur du groupe qui a refusé à la salle toulousaine toute promotion du concert. Il faut dire que la reformation la plus attendue de l'année est à l'affiche dans les plus grands festivals européens, dont le Primavera Sound le 27 Mai, qui tenait à préserver autant que possible le caractère exclusif de ce retour sur scène après 9 ans de hiatus. Bref, nous étions donc conviés en quelque sorte à un secret-gig dépourvu de première partie, dernier entraînement du groupe, presque grandeur nature, car contrairement à toutes les scènes gigantesques qu'il occupera cet été, la salle est ce soir à taille humaine, ce qui ajoute au plaisir immense de retrouver Jarvis Cocker la joie d'en profiter dans des conditions très spéciales. Arrivés (avec mon habituel camarade Sonic le hérisson) vers 21h sans se presser, nous passons la porte à l'instant même où retentit la musique d'introduction du groupe. Nous gagnons alors le 5 ou 6ème rang, bien décalés sur la gauche.


Pour se rappeler à nos bons souvenirs, c'est la géniale Do You Remember The First Time? qui ouvre le set, et envoie sans la moindre hésitation le premier refrain ultime d'une longue série. Le son est très propre, Jarvis est en forme olympique, sa voix semble la même qu'il y a 15 ans, bref, la totale de chez la totale, ça va être génial. On se marre pas mal quand ce même Jarvis commence dans un franglais génialissime à raconter des conneries entre les morceaux : évoquant un passage du groupe au Bikini en 1994, il demande si quelqu'un dans la salle est né en Février 1995. Un mec qui n'a sans doute pas très bien écouté lève la main dans le public, Jarvis le regarde, lui lance un mythique "Son, I came back to take you home !", et l'avalanche de tubes de continuer ! Mention forcément à l'enchaînement Disco 2000/Babies, au craquage général sur F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E., ou à la résurgence de This Is Hardcore ou de Sunrise (que j'adore parce qu'elle fait du bruit). Après un peu moins de 90 minutes, Jarvis demande au peuple s'il n'a pas oublié quelque chose ... Et démarre l'hymne absolu Common People, qui va conclure le set. Un moment de pure hystérie collective et de chant à tue-tête (malgré ma voix portée disparue), pendant lequel nous rejoignons la foule en délire plein axe face à la scène. C'est là que surviendra, dans le final épique ("Common people like youuuuuu, lalalala !"), le bad-trip improbable puisque je me retourne vers mon camarade qui a soudain du sang partout autour de lui (et même sur moi), et pour cause : dans la cohue, sa lèvre a éclaté sous le coup maladroit d'un coude voisin. Nous ne réclamons donc pas le rappel pour cause de passage par les toilettes pour réparation de fortune (rassurez-vous, il y avait assez de monde pour réclamer), mais revenons quand même pour l'écouter. L'occasion pour le groupe de jouer pas moins de 6 chansons de plus, terminant sur Mis-shapes un concert jouissif. Pour dire les choses un peu bêtement, les common people que nous sommes ont été comblés!

vendredi 20 mai 2011

Un single #22 : Northern Portrait - Napoleon Sweetheart EP

Levons d'emblée toute ambiguïté : oui, Northern Portrait ressemblent énormément à The Smiths. Oui, la voix de Stefan Larsen évoque Morrissey. Oui, ces guitares respirent l'influence de Johnny Marr. Oui mais voila, usez du mot "copieurs" si ça vous chante, je n'en ai rien à faire. Car j'aime Northern Portrait, ce quatuor venu du Danemark, décidé à épouser la cause de "pop-songs sophistiquées" (c'est ainsi qu'ils les définissent eux-mêmes, et ils n'ont pas tort). Actif depuis l'été 2007 sous l'impulsion de son chanteur, le groupe a très rapidement (seules quelques demos postées sur myspace furent nécessaires) attiré l'attention du vénérable label américain Matinée Recordings, sur lequel ils ont sorti toutes leurs références. La plus marquante reste à mes yeux leur second EP, Napoleon Sweetheart, sorti en Septembre 2008.


L'EP s'ouvre sur I Give You Two Seconds To Entertain Me, titre à l'ironie mordante. On y tombe sur de la pure jangle-pop, entre des accords acoustiques soyeux, et des arpèges électriques délicats. Le rythme est plutôt enjoué, et Stefan Larsen commence, avec sa voix en plein survol, à évoquer une fille aussi jolie qu'insupportable. La sophistication évoquée plus haut touche en particulier la structure du morceau, très éloignée du couplet/refrain, mais pourtant fondamentalement pop dans l'agencement de mélodies empreintes de classicisme. C'est entraînant, malin, et pour tout dire, joussif. Sporting A Scar (=>) opère également dans le raffinement, avec, encore et toujours, des arpèges absolument lumineux. Cette composition en mid-tempo dévoile une mélodie vocale irradiée de nostalgie, et des paroles épuisées (finir une chanson par un "Let me disappear" ...). C'est d'ailleurs cette voix qui s'envole dans un final désarmant.

Suit In An Empty Hotel (=>), qui renoue avec un balancement agréable. La mélodie est encore une fois déconcertante de facilité, et se joue merveilleusement à plusieurs reprises d'une rupture subtile dans un break mené par une basse voluptueuse. L'impatience semble émerger de cette chambre d'hôtel qui s'apparente à un vrai nulle part, pas forcément déprimant pour autant (Weekend flies/Killing time with a smile/We will stay 'till we die."). Mais c'est encore la conclusion qui impressionne, les yeux fermés par l'évidence. Il est temps pour l'épique Our Lambrusco Days (=>) de fermer la marche, avec lenteur mais flamboyance. On y parle d'hier, du temps qui s'échappe, de ce qui change et de ce qui reste. Le morceau s'élève petit à petit, alors même que les guitares figurent un coucher de soleil aussi beau qu'émouvant. La voix de Stefan Larsen est brillante, les sentiments sont purs et majestueux. Puis ce "I wish myself back to those days" signifie beaucoup : certains frissons du passé méritent sans doute de renaître.

vendredi 13 mai 2011

Un single #21 : Galaxie 500 - Tugboat [1988]

Dean Wareham est reparti l'hiver dernier en tournée pour rejouer du Galaxie 500, 20 ans après la séparation du groupe. 20 ans donc que Damon Krukowski et Naomi Yang ont pris leurs distances. 20 ans aussi que Dean vogue de projet en projet (Luna, Dean & Britta). Surtout, 20 ans que ces guitares et ces chansons habitent nos rêves. Car les trois albums du groupe (Today en 1988, On Fire en 1989, This Is Our Music en 1990) sont constitués d'une dream-pop éclatante, celle qui étreint les nuits, ferme les yeux pour mieux ressentir, et souffle sa douceur sur nos nuques. Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, une oreille distraite par la légèreté printanière méritait bien de se poser sur le tout premier single du trio, Tugboat, sorti chez Aurora Records en 1988.


Tugboat, donc, laisse opérer sa magie sur la face-A. Il ne faut pas plus de deux accords à cette guitare pour mener l'ensemble du morceau dans une mélodie à la pureté fatale. Oui, il y a aussi cette lead qui s'embarque dans un solo posé comme une caresse. Mais franchement, ces deux accords inlassablement répétés, semblent tout emporter, respirer sans arrêt pour définir la sensualité. Alors Dean, plongé dans la reverb, balance, presque insolent, quelques mots qui paraissent ne pas revêtir grand sens ("I don't wanna stay at your party/I don't wanna talk with your friends/I don't wanna vote for your president/I just want to be your tugboat captain") ... avant pourtant que ne vienne se greffer un décollage probablement sexuel ("It's the place I'd like to be/The place I'd like to see/The place I'd be happy"). Plus rien ne s'opposera ensuite au désir brûlant qui gagne une montée ultime, orgasme musical où se consume une passion ardente, où se perd tout contrôle dans un délicieux vertige. Tout se termine enfin dans la plus grande délicatesse, et sans doute aussi dans un regard amoureux ...

Suit sur la face-B l'improbable King Of Spain (=>). Là encore, le minimalisme mélodique s'assume parfaitement, tout comme Dean Wareham, qui porte un regard altier, juste dans les limites du méprisant, tout en majesté, de sa voix un peu nasillarde. Pourtant, sur le refrain, ce petit "I'll never cry again" trahit de la fragilité, tant il est lancé avec plus d'espoir que de certitude. Le roi d'Espagne vacille donc, et dévoile encore un peu plus de sa fébrilité dans un final au mid-tempo mordant, soutenu par une basse toujours bien en chair, et une batterie feutrée mais enfin dynamique. Et la guitare de s'emporter, un peu désemparée, dans un final crépusculaire à la lumière bleutée. La contemplation s'impose alors, et avec elle, ce constat : les étoiles de cette galaxie sont tout simplement magnifiques ...

vendredi 6 mai 2011

Un album #8 : Rocketship - A Certain Smile, A Certain Sadness [1996]

Il est des albums qu'on peine à décrire avec objectivité, car ils frappent en plein coeur, et qu'aucun échappatoire raisonné n'existe. Il est aussi des albums qui marquent plus que tout par leur symbolique, par leur volonté d'assumer jusqu'au bout, de tout dire en mettant en avant des choix sans doute excessifs, mais fondamentalement sincères. A Certain Smile, A Certain Sadness, le premier disque des Californiens de Rocketship, peut être rangé dans chacune de ces catégories. Nous sommes en 1996, et ces quatre jeunes gens (Dustin Reske au songwriting, à la guitare et au chant, accompagné à ce moment-là de Vera Brock à la basse et au chant, Hedi Barney aux claviers, et Jim Rivas à la batterie) ont trouvé refuge chez Slumberland Records, après un premier single sur The Bus Stop Label (Hey, Hey Girl en 1994). Nous ne sommes pas plus tard qu'en Janvier, et derrière cette pochette poignante à l'éclat désuet se cachent huit morceaux, prêts à bouleverser toutes les âmes sensibles.

Les choses sont sans conteste au point dès I Love You Like The Way That I Used To Do (=>) : on se plonge dans une oeuvre de croisements, de synthèse. Le ton est résolument twee (garçon et fille aux voix entrelacées, atmosphère posée comme une couche de sucre glace, "ooh ooh ooh" dessinant une mélodie à en perdre la raison), la construction lorgne plutôt vers le shoegazing (on va d'éclatements en exaltations en suivant la piste de montées bruitistes étoilées), et la mise en son rugueuse met le clavier en avant dans le plus pur style 60's. Et puis ... c'est tout simplement écrit comme dans un rêve. Une évidence totale, où chacun des breaks, pourtant audacieux, n'hésite pas à nous serrer dans ses bras, où chacun des remous d'une montagne russe délicieuse retourne le coeur dans un clin d'oeil coquin. Suit une première surprise : le groupe se fend d'un appendice instrumental à la façon de My Bloody Valentine sur Loveless. Aimable transition vers Kisses Are Always Promises, qui convoque une ambiance réellement naïve, portée par ce synthé halluciné, ces lignes mélodiques simples comme bonjour, et surtout cette timidité qu'évoque la voix de Dustin Reske.


On se permet ensuite une première balade au détour de Heather, Tell Me Why (=>). Une boucle synthétique impénétrable soutient toujours ce même synthé qui crépite pourtant dans la fatigue, alors que des arpèges de guitare acoustique s'épuisent dans le lointain. Les mots fuient dans le vague, les voix se mêlent d'une franche tristesse, le vent souffle sur des souvenirs désespérés, des espoirs déçus ("All my nights are filled with dreams about you/But my arms are empty babe without you."). Le murmure d'un ange se propage (Bilinda Butcher, es-tu là ?), et on se dit que la fêlure est immense. Presque autant que l'envie d'en découdre sur Let's Go Away (=>), qui se joue d'une attente même pas raisonnable avant de s'enflammer dans un refrain jouissif, l'envie d'ailleurs comme seule finalité, une course folle les yeux fermés en guise de moyen de transport ("So we can go ... away"). Puis cet inlassable motif de basse sera répété dans une circonvolution rapidement éclatée, bientôt lassée. Le prix de la pop-song ensoleillée est ensuite remis à I'm Lost Without You Here (=>), à peine deux minutes d'insouciance curieusement vulnérable, sur un mode up-tempo qui laisse en définitive assez peu le temps de s'inquiéter. Les breaks sont renversants, les secousses ravissantes, et s'attache sur nos lèvres un sourire convaincu : il n'y a en réalité pas lieu de craindre la perdition. Un interlude plus loin, Carrie Cooksey (=>) s'inscrit sans hésitation dans cette ligne impétueuse : batterie martelée sans relâchement, mélodie acidulée, tête dans les étoiles (et l'ecstasy ?), et ce pour tout juste une minute, avant une pause en forme d'interrogation, simplement destinée à permettre aux réacteurs de la fusée noisy d'entrer en fusion. Adieu la terre.

Mais c'est dans un souffle d'ambiguïté que va se terminer l'album. We're Both Alone (=>) raconte d'abord les possibilités, les espoirs adolescents, dans une douceur improbable. On aperçoit même des violons venus souligner ce balancement rétro, et le rêve de cette mélodie candide. La plus exquise mise en musique qu'un soupir amoureux puisse connaître. Sauf que la pop est affaire de contrastes, et de coeurs brisés. Friendships And Love (=>) constitue sans doute à ce titre le plus triste et plus intense instant twee jamais imaginé. Ce rythme lent, résigné, cette voix qui traîne, les yeux dans le vague, incapables de fixer quoi que ce soit, perdus dans une rupture trop dure à accepter. Ces claviers qui pleurent pour de bon, cette fatigue, et puis ces mots, qui n'y croient plus ("Don't you think we could pretend/That friendships and love never end/Though I know, it's true/They do, they do, they do."), mais qui restent inoubliables pour peu qu'on les ait approchés. A Certain Smile, A Certain Sadness : après tout, nous étions prévenus.
 
 
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