lundi 28 février 2011

Playlist #8 : My Maudlin Career

Un printemps qui fait des feintes d'arrivée en avance, un rythme de vie désordonné, de bons moments, de vrais espoirs, du n'importe quoi en quantité. C'est sans doute à tout ça que se résume ce mois de Février enthousiasmant. Au rayon des news diverses et variées, sachez :
- tout d'abord, que vous pouvez me suivre sur Twitter (=>), et ainsi ne rien manquer des updates du blog (et de quelques opinions musicales "à la volée" en moins de 140 caractères).
- ensuite, que Bertrand Redon (que vous pouvez lire sur
L'essentiel est ailleurs) m'ouvre pour la seconde fois les portes de son fanzine Trip Tips (qui se déniche chez les disquaires toulousains), pour une rubrique reprenant des chroniques déjà vues ici. Merci à lui, voir mes écrits prendre vie sur papier étant un plaisir peut-être à peine désuet, mais assurément romantique et exaltant.

Enfin, l'image du mois est une affiche de concert, juste comme ça, au cas où ...



1/ La Femme - Sur La Planche (sur l'EP Le Podium #1 : La Femme, sorti chez Third Side Records en 2010)
Surf-music sur une new-wave (craquage du mois).

2/ Selebrities - Time (sur l'EP digital Ladies Man Effect, sorti chez Cascine en 2010)
Sombre et fascinant.

3/ Beach Fossils - What A Pleasure (sur l'EP What A Pleasure, à paraître chez Captured Tracks en 2011)
Tout le plaisir est pour nous.

4/ Avi Buffalo - Remember Last Time (sur l'album Avi Buffalo, sorti en 2010 chez Sub Pop Records)
En attendant de voir le printemps fleurir ...

5/ Smith Westerns - All Die Young (sur l'album Dye It Blonde, sorti chez Fat Possum Records en 2011)
Une touche d'hédonisme radieux.

6/ Johnny Boy - You Are The Generation That Bought More Shoes And You Get What You Deserve (sur le single You Are The Generation That Bought More Shoes And You Get What You Deserve, sorti chez Vertigo en 2004)
On l'avait bien trop vite oubliée, cette folie toute Spectorienne.

7/ The Pains Of Being Pure At Heart - Belong (sur l'album Belong, à paraître chez Slumberland Records en 2011)
Un souffle de sentiments absolument immense. Quel groupe, quel groupe !

8/ Lilys - Claire Hates Me (sur l'album In The Presence Of Nothing, sorti chez Slumberland Records en 1992)
Encéphalogramme affolé.

9/ Camera Obscura - My Maudlin Career (sur l'album My Maudlin Career, sorti chez 4AD en 2009)
Tracyanne, toujours parfaite.

10/ The Smiths - I Know It's Over (live au National Ballroom de Killburn à Londres, le 23 Octobre 1986, et extrait de l'album live Rank, sorti chez Rough Trade en 1988)
It's so easy to laugh, it's so easy to hate, it takes strength to be gentle and kind ...

mercredi 23 février 2011

Chez Sarah #10 : St. Christopher - Say Yes To Everything [SARAH 46]

Se lancer à parler de St. Christopher, c'est évoquer un des groupes les plus majestueux du mouvement indie-pop. Le groupe de Glenn Melia (seul dénominateur commun, entouré aujourd'hui d'intervenants différents) s'active depuis 1984 (et un premier single chez Bluegrass Records) à faire vivre des perfect pop-songs toujours charmeuses, à la fois fragiles et éclatantes. Entre des passages chez The Bus Stop Label, Slumberland Records ou Elefant (sacré CV, il faut bien l'avouer), le trio formé à York s'arrête surtout chez Sarah Records, de 1989 à 1991, pour publier un album et quatre singles. Le dernier, celui qui met un point final à la relation, c'est ce Say Yes To Everything, référence numéro 46 à Bristol, sortie en Mai 1991. Pas forcément le plus connu d'ailleurs (tant All Of A Tremble, en particulier, reste dans beaucoup de mémoires, et son heure viendra en ce lieu, un jour ou l'autre), mais assurément mon préféré, allez savoir pourquoi.

La chanson titre Say Yes To Everything (=>) se voit logiquement confier la face-A. Ce qui peut surprendre au premier abord, c'est cette batterie, forte et énergique, finalement assez éloignée de ce qu'on a l'habitude de rencontrer chez Sarah Records. La guitare déboule par dessus tout ça en des accords libérés, et envoie un grand coup d'adrénaline, comme si les choses s'échappaient de tout contrôle, comme si l'envie de danser prenait le dessus, irrémédiablement. C'est entraînant (sans forcément être totalement joyeux, l'ambivalence n'étant jamais très loin), et ça respire même carrément l'insouciance quand le premier couplet s’épanche, Glenn Melia osant s'exclamer, alors que sa voix d'une douceur et d'une pureté incroyables, ne semble pas lui permettre d'être aussi aventureux. La mélodie est directe, séduisante et sucrée, et débouche avec une impossible fluidité vers un refrain à la classe infinie, choeur discret, mais envolée exaltée. L'évidence est telle qu'on aimerait que le second refrain ne se termine jamais, ce qu'il a la bonne idée de tenter de faire en ne prenant pas fin trop tôt, étalant sa légèreté sur quelques mesures de plus, nous laissant au passage sautillants, euphoriques, et la tête dans les étoiles.

Sur la face-B, la rencontre est empreinte de plus de mélancolie. It's Snowing On The Moon (=>) s'ouvre par des arpèges furtifs, déposés comme autant de faux départs, qui préfigurent pourtant une mélodie illuminée. De ce commencement, où chacun se met en place avec une facilité déconcertante, se dégage un violon qui apporte une texture rassurante tout autant que déchirante. Puis vient une batterie en mid-tempo passif, une basse qui semble avoir du mal à se retenir de bouger, et la voix de Glenn Melia, parfaite en ce qu'elle souligne des émotions immaculées sans jamais trop en faire. Le refrain, d'une simplicité désarmante, prend toute sa dimension dans sa seconde occurrence, où le groupe joue avec un quasi-silence virginal pour créer un souffle touchant, entre questionnement et vague tristesse, à la manière d'un vent hivernal tacheté de quelques flocons, venu suggérer un chagrin éclatant. Puis, après un dernier "Know by now" dont on jurerait qu'il est suivi de points de suspension, une ligne de basse élastique s'empare d'un final bien vite dissolu dans un fade-out fatalement trop court. Sans doute le signe que les chansons de St. Christopher sont attachantes au point qu'on aimerait ne jamais devoir les quitter.

jeudi 17 février 2011

Out This Week #8 : Ringo Deathstarr - Colour Trip

Il est enfin là, ce premier album de Ringo Deathstarr. Près de 6 ans après la création du groupe, et presque 4 après la sortie de leur première référence (l'impensable Ringo Deathstarr EP date déjà de 2007), le groupe shoegazing d'Austin, dans ce bon vieux Texas, se dévoile pour la première fois en LP, alors même qu'il se trouve réduit à l'état de trio, le second guitariste Renan McFarland ayant disparu de la circulation. Malgré tout, voici donc l'occasion de plonger dans leur musique, toujours très fortement influencée par les canons noisy-pop fixés par Psychocandy ou Strawberry Wine, mais capable également de fulgurances terribles dans la composition, entre évidences mélodiques, et formats réduits brûlants. En route donc pour ce Colour Trip, qui sort cette semaine chez ClubAC30.

L'ouverture est confiée à Imagine Hearts, promue au rang de single à l'automne 2010, craquage bruitiste, batterie en hésitation permanente, ligne de basse irréelle, et plaques de guitares tourbillonantes, donc instables. Sur cette base, une mélodie acidulée et éclatante rencontre la voix d'ange de la bassiste Alex Gehring, presque cynique de détachement. Si vous ne savez plus où vous êtes, ne cherchez plus, vous adhérez à la substance. On trouve à côté la massive Do It Everytime, beaucoup plus près du texte, fuzz classique et dégénérée, qui court comme un poulet sans tête vers un solo hors de contrôle, à peine perturbée par un chant partagé entre garçon et fille. On se sent cependant légèrement trahis, le niveau de la composition étant loin d'égaler les massacres perpétrés sur leur EP inaugural, empli jusqu'à l'excès de mélodies inoubliables. Une impression qui, malheureusement, se confirmera au cours d'une deuxième partie d'album solide sur la forme, mais manquant de génie.


Heureusement, d'ici là, on trouve quelques folies réjouissantes, telle le single So High, sorti il y a deux semaines en soutien de l'album. Un guitare acoustique y fait office de leurre, avant que forcément, tout explose devant nos yeux ébahis. Et c'est parti pour un brûlot d'à peine deux minutes totalement décomplexées (et hyper référencées) où les voix se répondent avec malice et délice sur une mélodie facile et sautillante. Des aplats guitaristiques emportent parfois le tout, mais n'empêchent pas le rythme éffréné de sévir, vers un refrain de joyeux drogués qui n'en ont, de toute façon, plus rien à foutre. Difficile de faire plus immédiat. C'est dans la foulée que se joue le très bon passage de l'album, avec d'abord Two Girls (=>), souffle enveloppant soutenu par une batterie martiale, et découpé par un interlude acoustique. Alex Gehring y chante de ce soupir tellement shoegaze, et surtout tellement sensuel, sur une ligne mélodique dont l'évidence évoque la caresse. Suit Kaleidoscope (=>), basée sur une rythmique défaitiste très Mary Chain, sur laquelle Elliott Frazier livre d'ailleurs une belle référence à Jim Reid au milieu d'un sombre vacarme. Preuve aussi que le groupe peut se permettre un registre à peine plus touchant, car on ressent bien ici que la sensibilité peut avoir sa place.


On pourra saluer aussi Day Dreamy (=>), basée sur une boucle d'effets moite, digne de Loveless, suggérant ces jours d'été à la chaleur étouffante. La voix d'Elliott murmure avec délicatesse, et les choeurs d'Alex relèvent de la divinité absolue, rêveurs et quasi-sexuels. C'est ensuite que les choses vont devenir un peu moins réjouissantes, le groupe sombrant quelque peu dans la facilité, avec des chansons sans grande personnalité. Rien d'inécoutable ou de spécialement gênant, mais rien non plus de véritablement marquant. Une fin de disque en demi-teinte, entre Chloe, presque réussie (et puis reprendre le gimmick de batterie de Only Shallow, sur le principe...), quelques lourdeur, ou Other Things et ses sympathiques adieux en mid-tempo. De quoi laisser un goût d'inachevé. Ringo Deathstarr avaient sans doute de quoi sortir un nouvel EP dément, voire un très bon mini-album en gardant 8 chansons pour les glisser sur un 10' (façon indie-pop des 90's), mais l'exercice longue durée ressemble bel et bien à une marche un peu trop haute. Mais si le trio parvient à préserver sa fougue, peut-être méritera-t-il une seconde chance ...

vendredi 11 février 2011

Chez Sarah #9 : Tramway - Maritime City [SARAH 43]

C'est l'heure des aveux. Je suis bien trop jeune pour avoir connu Sarah au temps où elle existait. Et c'est sans doute ce trop grand espace temporel entre elle et moi qui a conduit à ce que je la rencontre par une voie détournée, claiement improbable. Car, en bon enfant de cet internet où tout est possible, je suis tombé un jour (presque) par hasard sur Foutain Island, une des compilations éditées à Bristol. Quelques transferts de données plus tard, j'ai plongé dans Sarah Records, sans logique, sans retenue non plus, parce que ce son, ces compositions, étaient ce dont ma vie avait besoin. Et la première d'entre elles fut Maritime City, signée par le groupe de Bristol Tramway. Un trio (aux origines) mené par les frères Matthew et Nancy Evans, associés à Chris Young, et qui ne sortira que deux singles chez Sarah Records, avant de trouver refuge chez les Espagnols de Siesta Records, chez lesquels un album verra le jour en 1994. Toujours est-il que je me devais de rendre hommage à leur référence inaugurale sur le plus beau des labels : Maritime City sort en Mars 1991.

C'est donc cette face-A, Maritime City (=>), qui m'a mis à genoux, comme peu de chansons. On croirait presque au début d'une chanson vaguement Dance guidée par une boîte à rythmes baléarique, mais rien ne va se passer comme prévu. Tout s'arrête pour laisser place à une guitare incroyablement passive et épuisée, et à une voix inerte, dégageant une mélancolie de l'abandon ("Just watching the hours go by ..."). Des choeurs se posent avec une touchante maladresse, murmures atones. La mélodie, immaculée, se cache derrière un voile délicat qui par transparence, fait ressortir sa justesse. Alors, on entrevoit tout ce qui peut ressembler à un cliché, à ceci près la pluie tombe bel et bien derrière cette fenêtre, sur cette ville de bord de mer grise et triste à en pleurer, ou à en écrire des chansons. Et dès cet instant, je sais que Sarah Records me servira de refuge, que rien n'aura plus d'importance que ces coeurs égarés, que la magie de ce spleen enveloppant, que ce temps perdu à le regarder s'écouler.

Ces sensations sont dupliquées sur la face-B ouverte par Boathouse (=>), à peine plus déliée, plus furtive aussi. Car, si la plupart des ingrédients se retrouvent à l'oeuvre, une douce urgence berce une section rythmique cette fois glacée, vers un inexorable destin, matérialisé dans un solo qui refuse de s'assumer, et surtout un final désarmant, suspendu à une forme de renoncement, jusqu'au fade-out fatal. Puis il y a Star (=>), également présente sur Foutain Island, peut-être plus lumineuse au départ, menée par cette guitare funambule, chancelante, venue éclairer un minimalisme toujours fragile. La mélodie est à nouveau faite de pureté, et peut-être d'un léger goût de printemps. Soudain, tout s'arrête, et ne restent que des accords et une voix, comme en perdition, laissant émerger une fêlure sublime. L'instant étreint la perfection, d'une brise légère au souffle nostalgique. Qu'importe les sentiments qu'elle disperse, je sais surtout que l'histoire est belle, et que je n'oublierai jamais Sarah.

samedi 5 février 2011

Chez Sarah #8 : Brighter - Around The World In Eighty Days [SARAH 19]

Pour un groupe portant un tel nom, l'histoire du trio Brighter est pour le moins ... obscure. Allez, on peut déjà dire qu'il s'agissait d'Alex Sharkey, Alison Cousens et Keris Howard (qui semble-t-il, menait la bande et chantait, avant de créer les regrettés Harper Lee en 1999, ou de jouer de la basse sur les deux derniers Trembling Blue Stars), trois personnages dont on ne sait donc finalement presque rien, si ce n'est qu'ils venaient de Brighton, et qu'ils retournèrent à l'anonymat (mais en étaient-ils réellement sortis ?) en 1993, après une aventure en commun qui leur fit sortir 4 singles et un mini-album chez Sarah, en sus de quelques flexi-discs complètement introuvables. Mais Brighter avaient ce son, d'une incroyable douceur, mêlée d'une indicible pureté. Un son qui pourrait définir à lui tout seul l'esthétique Sarah Records, tant il colle à l'image que l'on peut se faire (parfois à tort, d'ailleurs) des groupes passés par Bristol. Un exemple parfait sur les quatre chansons de leur premier single, Around The World In Eighty Days, sorti en 1989.

La face-A se trouve en premier lieu occupée par Inside Out (=>). Et les ingrédients s'imposent d'emblée avec une assurance désarmante : une guitare acoustique qui égraine des accords en perdition, une électrique (parfois deux en même temps) pour jouer des arpèges couverts d'une lumière matinale et nostalgique, et porteurs d'une mélodie qui varie avec légèreté. Keris Howard pose ensuite sa voix avec une impensable délicatesse, sans jamais s'imposer, sans jamais forcer. Il reçoit bien vite le soutien discret de choeurs qui glissent comme une caresse, et l'atmosphère de la chanson nous plonge dans une forme de contemplation vague mais amoureuse. Ces impressions ne seront à aucun moment démenties par Tinsel Heart (=>), là encore menée par une acoustique chaleureuse. Cette fois, les interventions de la guitare électrique se font encore plus éclatantes, sur ce qui ressemble à un refrain instrumental, même si la structure, fondamentalement pop, nous échappe parfois un peu, emportés que nous sommes dans un univers cotonneux à souhait, rêveur et forcément un peu paresseux. Et d'imaginer des couchers de soleil gagnés par la fatigue, le coeur prêt à s'arrêter de battre pour chacun des passages où la mélodie s'abandonne en un vertige d'émotion.

Une fois n'est pas coutûme, la chanson titre Around The World In Eighty Days (=>) se trouve en face-B. On y retrouve la même instrumentation touchante, au service d'une composition peut-être meilleure encore. On ne peut pas toujours déchiffrer les paroles, tant la voix se cache sur les mêmes lignes que les guitares, mais on comprend assez vite qu'une mélancolie terrible se dégage de tout ça, dans un mouvement de sincérité prenant. Le temps semble suspendre son cours pour contempler la beauté de cette mélodie simple et pourtant profonde, majestueuse. Et que dire de ce final, où émerge de la brume enveloppante une boîte à rythmes fatale, où l'envie de poser sa tête sur l'épaule de quelqu'un qui nous serrerait dans ses bras devient la chose la plus importante au monde. Alors, Things Will Get Better (=>) vient conclure, et de façon quasi-programmatique, en amenant une touche de couleur et d'espoir, un sourire timide. Le brouillard est toujours un peu là, mais plus éclairé, plus lisible peut-être. Et même si les sensations évoluent dans un registre plus positif, la cohérence du propos reste totale, toujours fondu dans un laisser-aller, un flou qui met en valeur une composition aux lignes toujours flottantes. On oserait presque parler d'impressionnisme, tant, malgré une forme de lenteur, la musique de Brighter peint des paysages éphémères, évanescents. Et pourtant, inoubliables.
 
 
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