mercredi 31 août 2011

Playlist #14 : Août, improbabilité.

Les deux mots qui pourraient résumer le mieux ce mois d'Août sont "improbable" et "incroyable". Mais je ne développerai pas plus ...
Pour m'en tenir des préoccupations intéressant ce cher espace d'expression qu'est mon blog, je me souviens le mois dernier avoir teasé sauvagement en parlant de projets, d'évolutions. Pour tout vous dire, je n'ai à l'heure où j'écris ces lignes, rien de plus à vous annoncer de tangible. Mais comme j'avais promis de m'expliquer de manière plus précise, je vous informe que j'ai rempli et mailé un formulaire de candidature à Radio Campus Toulouse, dans l'idée d'un créneau horaire indie-pop qui serait hebdomadairement (peut-être plutôt toutes les deux semaines) concocté par mes soins. Pour le moment donc, aucune nouvelle (rien ne garantit que le retour soit positif, d'ailleurs). Alors stay tuned, si j'ose le jeu de mots.
L'image du mois, c'est A Day For Destroying Things, une annonce pour signaler, il y a 16 ans de ça, la fin de Sarah Records. Cliquez sur l'image pour lire l'intégralité, car ces mots sont inoubliables ... "it reminds us we're alive"


1/ Air France - It Feels Good To Be Around You (sur le single digital It Feels Good To Be Around You, sorti chez Sincerely Yours en 2011)
Air France de retour en plein été, comme une évidence.

2/ Housse De Racket - Aquarium (sur l'album Alesia, sorti chez Kitsuné en 2011)
Ne jamais oublier de se laisser surprendre.

3/ New Order - Temptation (sur l'album Substance, sorti chez Factory Records en 1987)
Oooh ooh ooh ooh ooh ...

4/ Pulp - Babies (sur le single Babies, sorti chez Gift Records en 1992)
Jarvis a toujours de ces histoires dingues à raconter ...

5/ Summer Camp - Better Off Without You (sur l'album Welcome To Condale, à paraître chez Moshi Moshi Records en 2011)
Un tube, tout simplement.

6/ White Town - She's A Lot Like You (sur le single digital She's A Lot Like You, auto-distribué en 2011)
Pop-song malicieuse du mois!

7/ This Many Boyfriends - Young Lovers Go Pop! (sur le single Young Lovers Go Pop!, sorti chez Angular Records en 2011)
Pour crier très fort ce refrain hallucinogène.

8/ The Pains Of Being Pure At Heart - Tomorrow Dies Today (sur le single The Body, sorti chez Slumberland Records en 2011)
Le tourbillon de la vie, comme une pédale de fuzz ...

9/ Teenage Fanclub - Start Again (sur l'album Songs From Northern Britain, sorti chez Creation Records en 1997)
... we've got time to start again.

10/ Jens Lekman - Maple Leaves (live au Konserthuset de Göteborg, le 11 Décembre 2003)
Douceur nordique.

samedi 27 août 2011

Chez Sarah #15 : The Field Mice - Sensitive [SARAH 18]

Que dire pour introduire Sensitive, de The Field Mice ? C'est peut-être la sortie de Sarah Records qui a le plus compté dans la destinée du label. Allez savoir pourquoi (mais une écoute suffit sans doute à comprendre) un single peut bousculer, renverser, emporter l'imaginaire collectif de tout un tas de gens. Oui, parfois, c'est aussi simple que ça, et le réel vient toucher le symbolique, l'oeuvre et l'auditeur ne forment plus qu'un, l'identification est totale. Sensitive, sorti en 18ème position, le 27 Février 1989, restera à tout jamais le single fondamental de Sarah, celui, en tous cas, que nombre d'amoureux de la structure de Bristol garderaient s'il ne devait en subsister qu'un. C'est donc sans doute habité d'une forme de fébrilité que je vous le présente, comme si oser en parler était risquer de mal exprimer tout ce que ces deux chansons gravées sur microsillon représentent pour moi, et probablement pour d'autres. Mais qu'importe, car j'ai envie, si ce n'est besoin, d'en parler. Et ce ne sont pas les mignons pingouins de la pochette qui m'arrêteront ...

Sensitive (=>) donc, sur la face-A. La plus évidente des évidences. Car à l'instant où commencent les arpèges brumeux, au moment où l'on comprend que la boite à rythmes ne s'arrêtera plus, à la seconde où la basse étire le tout, on comprend que quelque chose de spécial est en train de se passer. C'est tout juste avant que la fuzz ne vienne sublimer un coup de vent, ébranler les sentiments. Bobby Wratten commence à chanter. Il est fragile, doux, presque sûr de lui, alors même qu'il exprime le fait même d'être dépassé par le monde, par les autres. C'est là qu'est toute sa force, car Bobby Wratten assume, porte en étendard, écrit un hymne. Un hymne démesurément sensible, parce qu'il ne sait pas vivre autrement, et moi non plus d'ailleurs. "If the sun going down can make me cry./Why should I, Why should I/Why should I not like the way I am ?" et tout semble énoncé. Qui oserait défendre une telle idée, selon laquelle s'émouvoir à en pleurer pourrait aussi constituer une façon d'appréhender sa vie ? Le refrain n'exprimera pas autre chose que cette beauté, pour beaucoup illusoire, pour certains fondamentale. Puis la mélodie fulgurante s'écorche dans une outro à fleur de peau, sans limite, bouleversante et ravagée, dont on aimerait qu'elle dure éternellement, alors que, digues comme retenues, tout semble lâcher ...

Le plus fou dans cette histoire, c'est sans doute que la face-B, When Morning Comes To Town (=>), est tout aussi incroyable. L'atmosphère est à la fois très différente et très semblable à celle de Sensitive : on ressent terriblement ce coeur serré, cette chambre d'étudiant en hiver, chauffée au point de laisser de la buée sur la vitre de la seule fenêtre de la pièce. Les yeux sont plongés dans le vague de cette mélodie délicate, cajoleuse mais brisée, les mots prennent tout leur sens. Il est question d'une rupture, à l'évidence, mais d'une rupture pas comme les autres. Si l'année suivante, End Of The Affair constatera les dégâts, désespérée et résignée, When Morning Comes To Town se glisse dans une vision plus apaisée, fatalement mélancolique, mais ponctuée d'un sourire timide. Au fond, ces deux voix (Nina Handrews s'ajoutant à Bobby Wratten) s'accordent à merveille, et c'est bien là que réside l'immensité du morceau. Oui, les arpèges subliment la lumière de ce jour qui se lève. Oui, le clavier caresse, enveloppe. Oui, la guitare acoustique porte le monde sur ses frêles épaules. Mais ces deux voix disent tout. Tout de cette histoire au destin un peu cruel ("All things have to end/They have to and they do./And they do."), tout de ce qui ne s'effacera jamais ("I'll think of you always/For you know as well as I/That for you I would have/Died and would still die/Would still die."). Puis, surtout, du fait de se quitter avant qu'il ne soit trop tard, avant que la perfection de cet instant ne s'évanouïsse : "This way it is the way no rain of cutting words/I'm happy to go out like this, if happy is the word." Alors, si les larmes coulent, elles ont, plus que le goût de la tristesse, celui de l'émotion la plus pure, et la plus intense.

dimanche 21 août 2011

Hors-sujet #3 : Making a mixtape (for someone).

To me, making a tape is like writing a letter — there's a lot of erasing and rethinking and starting again.

Ces mots, vous pouvez les lire dans High Fidelity, roman culte de Nick Hornby, sorti en 1995. Un livre dans lequel l'anglais plonge dans les petit travers d'un fan de musique qui semble voir sa vie sentimentale influencée par ses pop-songs préférées ... Si j'ai exhumé ces quelques mots, c'est parce que je suis moi-même, à l'instant où j'écris, en train de m'essayer (ce n'est pas tout-à-fait la première fois, quoique c'est peut-être la première fois que ça m'importe autant) à l'art de réaliser une mixtape (pour une personne qui se reconnaîtra). Une idée qui peut sembler complètement hors-sujet à l'heure où l'on s'échange en trois clics des gigaoctets de mp3. Mais pas tant que ça, finalement, car faire une mixtape, c'est d'abord ça : apprendre à choisir. Il est évident que je ne mixe justement pas une "tape" (pour des raisons tout simplement pratiques), mais un CD ... Remarquez, ça revient un peu au même, l'idée importante étant, me semble-t-il, d'être pris dans des limites temporelles, afin d'être contraint de tenter de sublimer un cadre prédéfini. Mon CD, en l'occurrence, me laisse 80 minutes (par comparaison, une cassette audio classique, c'est 60 ou 90 minutes) (et une cassette audio a deux faces, ce qui peut rendre l'exercice encore plus intéressant, mais qu'importe).

"Making a tape is like writing a letter", et l'on pourrait presque s'arrêter là. Car le fait que tout ne soit ensuite qu'erasing and rethinking and starting again semble être une évidence, un peu comme pour toutes les choses dans lesquelles on veut mettre beaucoup de soi-même. Pour revenir à ce qui rapproche la mixtape de la lettre, d'autres éléments de comparaison viennent, inévitablement. Principalement, pour moi, il s'agit de faire passer un message, ou de raconter une histoire. Ecrire une lettre à quelqu'un, c'est mettre une part de soi, une part de la personne destinataire, et sans doute une part du monde autour. Pour la suite, il n'y a de règles narratives que celles que vous souhaitez vous imposer. Questions/réponses, thématique particulière, voyage intersidéral, intimité brûlante, fête démesurée ... la mixtape peut de toute façon servir plus ou moins toutes les causes, de clins d'oeil appuyés en références à peine compréhensibles, de coupures radicales en délicats enchaînements.

Après tout, peu importe les conventions, quand ce qui compte vraiment, c'est d'être personnel, imaginatif, et surtout sincère. De faire découvrir, forcément, sans jamais oublier de s'ouvrir pour découvrir un peu soi-même, ou redécouvrir, parfois. Relire des paroles, ou se laisser abuser par un titre. Chercher l'ambiance qui saurait parfaitement retranscrire un moment, trouver la transition qui va surprendre ou conforter, la mélodie fatale à l'imaginaire, le langage qui pourra être aussi bien compris par la personne qui reçoit que par celle qui suggère et donne. Puis sans se prendre vraiment au sérieux (préparer une mixtape, c'est aussi se faire plaisir, tout simplement), c'est l'occasion de se confier sans doute un peu, de glisser les choses sur lesquelles on a parfois du mal à mettre des mots. Si on peut, forcément, voir là-dedans une jolie bêtise adolescente ("Tu penseras à moi en l'écoutant.", sans doute, mais n'est-ce pas négliger un peu le contenu ?), c'est sans doute surtout l'occasion d'un bouche à oreille intime, en même temps que d'un cadeau dont la valeur symbolique dépasse largement la valeur pécuniaire. Comme si les chansons étaient ce que les amoureux de la pop ont de plus cher à offrir ...

dimanche 14 août 2011

Un single #25 : Beach Fossils - Daydream [2010]

En un peu plus de deux ans, et une centaine de références, le label Captured Tracks s'est fait un nom, et a cristallisé avec force un air du temps indie-pop pour le moins majestueux, remettant au goût du jour des guitares frêles, les rythmiques glacées, ou les voix timides, enregistrées dans les chambres d'étudiants rêveurs. En découvrant des noms comme Wild Nothing ou Craft Spells, mais également en rendant hommage à de glorieux anciens (les re-issues de The Wake sont une idée formidable), la structure de Brooklyn avance avec exigeance, semblant ne se référer qu'à des pop-songs parfaites. Une des sorties les plus abouties est sans doute le tout premier single de Beach Fossils, cet impensable Daydream, venu préfiguer, en Février 2010, la brise exquise de l'été qui suivrait, en même temps qu'il nous démontrait que Dustin Payseur, New-Yorkais lui aussi, et encore artisan solitaire du projet à cet instant, était capable d'intouchables hymnes adolescents.

La face-A est confiée à Daydream. Un morceau mené par une boîte à rythmes absolument rudimentaire qui distille un beat hésitant qui fait ressortir l'amateurisme et la touchante maladresse de l'enregistrement. Pourtant, au dessus, les guitares s'emmêlent, et les arpèges créent une lumière douce et subtile, fondus comme la voix dans une reverb enveloppante, qui dépose comme un voile sensible, semblable à une caresse. Le chant de Dustin Payseur sature à peine, lointain et ébranlé, en des mots bien trouvés autour d'un équilibre entre solitude et romantisme affecté ("I am on time/Though I didn't try/And the seconds move slow/But the moment's all too fast."). Cette rêverie éveillée semble toujours plongée dans la flemme, sans qu'on puisse dire réellement si la mélodie, finalement souriante et éclatante, prend le pas ou non sur une mélancolie diffuse, un oubli qui ne s'éloigne jamais vraiment. Une ambiguïté, une fragilité, dans lesquelles se confient souvent les plus renversantes des pop-songs. Soudaine et dévorante, Daydream rentre inévitablement dans cette catégorie.


Sur la face-B, et Desert Sand (=>), les influences changent, sans pourtant que la façon de faire sonner ne se modifie radicalement. Plutôt que de plonger dans l'imagerie délicate de Sarah Records, ce sont ici une surf-music calme, un peu "lo-fisée", et le psychédélisme en noir et blanc du Velvet Underground, qui mènent le bal. Bienvenue donc dans un monde où la reverb est plus crasseuse que satinée, où le soleil brûle plus qu'il ne câline. La batterie, tellement 60's, est mortellement passive, et les guitares construisent cette fois un feu de paille qui crépite, se consume dans une mélodie défoncée qui bouscule dans une certaine arrogance, cheveux sales au vent, rien à foutre de rien, si ce n'est de cette chaleur écrasante. Il est alors surprenant mais intéressant de trouver encore une voix fatiguée, instinctive, et désabusée. Dans ce (presque) western nocturne, Beach Fossils conclut son premier fait d'arme. Inutile de dire que nous n'avons, depuis, pas été déçus.

dimanche 7 août 2011

Un single #24 : Yuck - Shook Down/Milkshake [2011]

Je ne sais pas vraiment si le cas des anglais de Yuck mérite une introduction biographique, tant le quatuor mené par Daniel Blumberg et Max Bloom (ex-Cajun Dance Party, un sous-sous-sous groupe pop-rock qui rendait dingues les lycéennes anglaises à l'époque où The Kooks vendaient des disques) (oui, je parle comme un vieux con) fait l'actualité depuis ce début d'année 2011 (même avant pour les plus renseignés, fracassés par le single Georgia dès l'été dernier). La sortie en début d'année chez Fat Possum d'un premier album simplement intitulé Yuck leur a ouvert pas mal de portes, ce qui semble plutôt logique dans la mesure où, si le groupe se contente essentiellement de revenir à gros traits de guitares sur ses idoles 90's (Teenage Fanclub, The Stone Roses, Dinosaur Jr., et j'en passe ...), il avance surtout grâce au moteur de chansons d'une terrible évidence, entre la fraîcheur du branleur, et la puissance sentimentale de la jeunesse. Parfait exemple avec le dernier single en date, le double face-A Shook Down/Milkshake, sorti cet été, visiblement auto-distribué, et qui relie un titre présent sur l'album à un inédit du meilleur goût.

Shook Down (=>) est donc la première face-A de ce single, et consiste en une balade d'une facilité déconcertante. Une facilité marquée dès ces arpèges inauguraux délicats, qui dévoilent une mélodie qui peut sembler légère comme une plume, mais cache une mélancolie embrumée. On y plonge les yeux dans le vague, on écoute en rêvassant des mots qui semblent décrire une relation probablement un peu compliquée, faite d'erreurs ("And it's been a week/And it's been a week too long/There are several things that I've been doing wrong.", sur un refrain brisé), et d'instants de doute qu'on ressent intensément ("If it's late, then I will go/Turn the lights out, turn it slow.", image renversante, tandis qu'à peine plus loin, Daniel Blumberg ne peut s'empêcher de lâcher un "Listen girl, I think of you." ravagé). La clarté de la ligne mélodique est bien réelle, mais se trouve pourtant bouleversée quand après un second refrain, la pédale de fuzz est actionnée pour envoler un final lumineux, où les mots s'éprennent cette fois d'un espoir adolescent, d'une envie de serrer fort dans ses bras, alors qu'une guitare soliste se confie, fatale.


Milkshake (=>) est donc présentée comme une autre face-A, et ce n'est sans doute pas usurpé tant la composition mérite bien mieux qu'un statut de face-B. Le son est toujours manifestement 90's, avec ces accords craquants (dans tous les sens du terme), puis ces arpèges qui sonnent comme un printemps électrique. Là encore, le mélange entre coolitude bubblegum et spleen à la douceur fragile rend la mélodie irrésistible, tandis que la voix la voix de Daniel Blumberg se traîne, fatiguée sans doute que tout ne soit pas si simple ("I am sorry I admit that/Admit that what I did was wrong", sur un premier couplet introspectif). Le refrain à suivre est porté par des guitares qui gagnent en puissance, et se délie de manière limpide au détour d'une métaphore bien trouvée, quelque part entre innocence et lassitude ("You're making a milkshake of my mind"). On se glisse alors pour terminer dans un moment de détachement presque total, où des choeurs en chantilly gracieuse surplombent un dessert adorable et sucré. Et comme je vous sais aussi gourmands que moi, je vous imagine bien succomber ...
 
 
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