samedi 30 avril 2011

Playlist #10 : April Skies

Je pourrais parler de mes articles qui font polémique, des révisions qui font mal à la tête, des partiels qui arrivent, des dossiers à constituer ... Mais je préfère penser à autre chose : un voyage en Suède, mon agenda de concerts assez épique (Pulp, The Pains Of Being Pure At Heart, Les Siestes Électroniques, Pop&Merguez), et le soleil. Surtout le soleil.
L'image du mois, c'est une des bandes-annonces d'Upside Down, le film sur Creation Records, qui sort en Mai chez nos voisins britanniques (si j'ai bien compris).


1/ The Jesus & Mary Chain - April Skies (sur l'album Darklands, sorti chez Blanco Y Negro en 1987)
Comme il se doit.

2/ Klaus&Kinski - Ley Y Moral (sur l'album Tierra, Trágalos, sorti chez Jabalina en 2010)
Le droit me poursuit jusqu'ici.

3/ The Radio Dept. - Messy Enough (sur le single David, sorti chez Labrador en 2009)
Hédonisme synthétique.

4/ Saint Etienne - Spring (sur l'album Foxbase Alpha, sorti chez Heavenly Recordings en 1991)
Il est pas joli ce printemps ?

5/ Toro Y Moi - Still Sound (sur l'album Underneath The Pine, sorti chez Carpark Records en 2011)
La ligne de basse du mois.

6/ Destroyer - Suicide Demo For Kara Walker (sur l'album Kaputt, sorti chez Merge Records en 2011)
Le genre de morceau qui réhabilité le saxophone.

7/ The Pastels / Tenniscoats - Vivid Youth (sur l'album Two Sunsets, sorti chez Geographic en 2009)
Voila qui ne donne pas du tout envie de travailler.

8/ Seapony - Dreaming (sur le single Dreaming, sorti chez Double Denim Records en 2010)
Premier album à venir pour cet été. De beaux espoirs.

9/ Sharesprings - Fix Your Eyes On (sur la compilation Half Dreaming, sortie chez Quince Records en 2008)
Dans l'internationale indie-pop, je demande l'Indonésie.

10/ Slowdive - Catch The Breeze (live au Marquee Club de Londres le 3 Septembre 1991)
Les réalisations d'émissions télé des 90's, ça n'a pas spécialement bien vieilli (au contraire de la musique de Slowdive).

samedi 23 avril 2011

Un single #20 : Craft Spells - After The Moment [2011]

Dans la série "groupes qui font l'actualité", et après avoir observé le cas de Still Corners, pourquoi ne pas se permettre un petit passage chez Captured Tracks (cela fait un petit moment qu'ils n'ont pas été évoqués ici) ? Car ces infatigables défricheurs de la scène indie-pop sévissant actuellement aux Etats-Unis (Beach Fossils, Wild Nothing ...) ont encore flairé le bon coup en signant en 2010 Craft Spells, le projet d'un certain Justin Vallesteros, sorti d'une ville portuaire pas franchement exaltante de Californie du Nord. Le jeune homme, bidouilleur de génie, enregistre depuis chez lui des pop-songs imparables, production lo-fi et électronique presque désuète mises en avant. Alors que son premier album vient de sortir, et qu'il est parti voir du pays pour une tournée où il est rejoint sur scène par quelques amis, l'occasion est trop belle de se pencher sur son dernier single en date, After The Moment, sorti en Février 2011.


After The Moment donc, sur la face-A. Ouverture sur une guitare maigrelette et jangly juste ce qu'il faut. Le rythmique prend vite le relais avec un beat joliment dansant, secondé d'une basse qui nous renvoie instantanément, dans sa mélodie, à Bizarre Love Triangle. Mais impossible de dire ce qui porte vraiment le bel édifice. La boîte à rythmes imperturbable ? La deuxième ligne de guitare en crystal ? Cette basse, vaguement disco, qui sautille ? La voix fantomatique et secouée qui lie l'ensemble ? Qu'importe, tout à la fois sans doute, et l'on glisse, pris par des breaks déments, entre un refrain sensuel ("After the moment ... with you.", inlassable), et des élans tropicaux mêlés pourtant d'une légère froideur synthétique (Washed Out en plein trip cold-wave ?). Autrement dit, une proposition : faire éclater une nuit trop sombre dans un hédonisme multicolore.

Sur la face-B, Love Well Spent (=>) fait également un appel du pied à New Order dans une introduction délurée, du genre à embarquer toutes les jambes à proximité sur un dancefloor épileptique. Pourtant, cette boucle de synthé hallucinée se trouve aussitôt surplombée par les voix de Vallesteros et d'Emily Reo, perdues au fond d'un brouillard épais et mystérieux. Deux voix presque incompréhensibles qui se posent avec une forme de lenteur, d'épuisement, ou même sans doute une fine pointe de désespoir, et créent un contraste saisissant avec leur environnement, affolé et illuminé. Peut-être s'agit-il en fait d'un romantisme égaré qui jette un regard passionné mais dépassé sur la futilité, bruyante et tumultueuse. Un cocktail à l'énergie totale qui trouve donc sa cohérence par le détachement. Et au delà de sa jeunesse impétueuse, c'est cet art de faire se rencontrer les ambiances, les impressions, les sensations, qui semble être le plus bel atout de Craft Spells. Un sens de l'ambiguïté qui donne souvent naissance à de jolis frissons pop ...

dimanche 17 avril 2011

Un single #19 : Still Corners - Don't Fall In Love/Wish [2010]

Je dois l'avouer tout de suite, je manque d'éléments biographiques pour évoquer le cas des Londoniens de Still Corners. Discrets sur la question de leurs individualités (Tessa Murray au chant, Leon Dufficy à la guitare, Greg Hughes au songwriting, c'est tout ce que j'ai pu trouver), les cinq membres du groupe s'activent depuis 2008 à faire vivre une musique qui semble venue d'un autre temps. Si leur première sortie (l'EP Remember Pepper, en Juin 2008) n'avait pas permis de les extirper de l'anonymat, ils éclatent à la face du monde l'été dernier avec la chanson Endless Summer, sortie digitale absolument monumentale, puis capitalisent aussi tôt sur 7' avec le double face-A Don't Fall In Love/Wish, hébergé par The Great Pop Supplement (obscur label s'il en est, qui a tout de même sorti ces derniers mois un single de Dean & Britta, ou des inédits de Spacemen 3, entre autres choses). Une occasion donc de les observer, au moment même où ils font l'actualité, leur signature en Mars chez Sub Pop étant le gage d'un avenir radieux.

Sur la première face-A, Dont Fall In Love (=>), l'atmosphère se pose dès la première seconde, mais avec une délicatesse certaine. Guitare légèrement écorchée (Sune Rose Wagner, es-tu là ?), basse reprenant à son compte la mélodie divaguante, choeurs évaporés, batterie rudimentaire : on respire d'emblée, et avec plaisir, l'influence 60's, évidente et diffuse, dans un flottement sensuel au goût de laisser-aller diabolique. Puis, le coup fatal est porté par cette voix d'ange fatigué, au souffle majestueux, perdue dans une brume de reverb, comme si Phil Spector avait croisé Rachel Goswell pour donner à ses productions le goût des illusions dream-pop. La composition s'étend ici avec une classe presque insolente, entre ce refrain qui s'envole puis s'évanouit dans un soupir, et ces éclairs de guitare suspendus. Un moment délicieux donc, et troublant de singularité.


L'autre face-A, Wish, choisit des contrées plus éthérées autour d'une guitare acoustique jouée d'un finger-picking doux comme une brise d'été. Les minuscules touches de guitare électrique, ou de piano, dévoilent un impressionnisme lumineux, mais c'est avant tout la voix de Tessa Murray, murmure et caresses mêlés, qui construit une mélodie à l'indicible pureté, surtout quand monte le refrain, porté par des mots envoûtants de simplicité ("I had dreams I can't remember, and you've had them too ..."), prononcés avec une tendre lenteur. On hésite sans doute encore un peu sur les sentiments à éprouver, tant la mélancolie est baignée de soleil, tant le moment est sublime, mais comme toujours, trop court. Pourtant, tout est dit dans ces 103 secondes contemplatives, à vivre comme un songe parfait, une respiration idéale. Des rêves comme celui-là, on aimerait en faire beaucoup, et ne jamais les oublier ...

lundi 11 avril 2011

Made In France #4 : Pendentif

La scène pop indépendante française frémit ces temps-ci. Les groupes de qualité émergent (j'ai pu citer en ces lignes le cas des Young Michelin) autour d'influences assez classiques, revisitées pourtant avec une fraîcheur désinvolte, et sans la moindre hésitation face à l'usage de notre langue. Le dernier exemple en date est incarné par Pendentif (=>), un groupe Bordelais qui affiche des connections diverses avec des formations agissantes et plutôt au devant de l'actualité par chez nous (The Bewitched Hands ou The Shoes). Sur les cinq membres, quatre s'activent, a priori ensembles, à la composition (les dénommés Mathieu Vincent, Thomas Brière, Mickaël Gachet et Benoit Lambin), et n'hésitent pas, c'est une constante dans leurs chansons, à confier une partie importante du chant à de jolies voix féminines. Quatre morceaux ont pour l'instant eu les honneurs d'une sortie officielle (sur 7') chez les Avignonais de La Bulle Sonore Records (qui soutiennent justement aussi les Young Michelin), pour un EP tout simplement intitulé Pendentif. Une découverte qui fait souffler une brise sacrément réjouissante ...

La première rencontre (=>) s'est faite surtout par l'intermédiaire de Riviera, devenue rapidement indispensable à mes oreilles. Une guitare agile s'y trouve relayée par une batterie joueuse. La voix féminine s'approprie la totalité du chant avec une douceur et une innocence contagieuses. Les choeurs masculins sont au soutien par des "Alright, alright" rieurs, et l'on s'engage dans une course impétueuse, presque insouciante ("J'oublie tout, rendez-vous ..."). Dans le vent de cette mélodie à la facilité insouciante, les paroles font figure de réceptacle d'une poésie délurée, à peine adulte, tendrement malicieuse ("Et je cours avec toi le long du plongeoir/Mais la terre, vue d'en bas ne nous dit plus grand chose./La descente en avant à travers le miroir/Je suis sûr(e) que ce soir on se jette à l'eau"). Comme si les enfants de Sarah Records sortaient de leur chambre pour se rouler dans l'herbe d'un parc, aux premiers rayons de soleil du printemps. De son côté, l'auto-titrée Pendentif fait ressortir une pointe de mélancolie, autour d'un piano tout en éclat, et d'un sample introductif qui me rapelle Memoryhouse (allez savoir pourquoi). Le chant, garçon et fille liés, traîne tout juste assez pour être désarmant. La composition s'organise de manière assez originale, entre des montées dramatiques et des choeurs aussi futiles que bien pensés, encore une fois en anglais. Mention aussi à l'impressionnante God Save La France, qui dévoile une guitare jangly du plus bel effet (comme un lever de soleil observé du fin-fond d'une heureuse nuit sans sommeil), puis des arrangements de cordes qui respirent une classe d'un autre temps. Les paroles évoquent une flemme sans précédent (de celles qui débouchent sur des pop-songs fameuses), puis les yeux se ferment à l'écoute d'un refrain joliment introspectif. Le final est porté par une ligne de basse empreinte d'une irrésistible envie de sautiller, et par des "Ooh ooh, ooh ooh" enfantins mais jouissifs, pour un fade-out lumineux. La grande force de Pendentif réside donc d'ores et déjà dans un songwriting sensible, dans ces images délicatement sucrées. Devant l'espoir suscité, la petite question posée au détour de God Save La France s'imprègne d'évidence : sur quelle carte du monde iront-ils planter leurs drapeaux dans la nuit ?

mardi 5 avril 2011

Live report #6 : Crocodiles + Ewes @ Le Saint des Seins

Le Lundi soir, c'est rarement la folie, faut bien l'avouer. Sauf que ce Lundi soir, 4 Avril, rendez-vous était donné par l'admirable asso La Chatte à la Voisine (=>) pour un concert du côté du Saint des Seins. En vedettes, les Californiens de Crocodiles (qui réussissent l'exploit de situer San Diego sur la carte), porteurs d'un noise-rock crasseux et bruyant, à l'énergie contagieuse, du moins sur album, comme en témoigne leur très bon second effort, quasiment sauvé des eaux par Fat Possum, et intitulé Sleep Forever. Un groupe passé par la ville rose il y a tout juste trois semaines, mais en première partie des White Lies, ce qui n'avait rien de très motivant, il faut bien l'avouer. Or, cette séance de rattrapage étant proposée pour 5 euros, et autant de minutes à pied, l'occasion était trop belle de plonger dans la reverb, tout en prenant quelques craquages guitaristiques dans les oreilles. Et j'étais loin d'être le seul à avoir adhéré à l'idée, puisque c'est une foule compacte qui occupe le bar à mon arrivée. Blouson de cuir de rigueur (désormais, ça relève plus de l'accessoire de mode qu'autre chose), même si je me démarque en ayant vu plus léger, puisqu'il fait sacrément chaud une fois à l'intérieur.


L'ouverture était assurée par les Toulousains de Ewes (=>), une bande qui avance sa mixité, et sans doute aussi sa jeunesse. Difficile de leur en vouloir : la chanteuse assure sans trembler, le guitariste au visage barré par une mèche de cheveux imposante se débrouille pas mal pour envoyer des riffs garage assez crades. Reste que les compositions peinent à susciter un réel intérêt, en l'absence de mélodies fortes, d'idées séduisantes, et alors que quelques breaks tombent plutôt à plat. Une sensation renforcée par le fait qu'ils jouent des reprises (Hard To Explain de The Strokes, notamment) qui fatalement, sortent du lot. De quoi satisfaire quelques amis à eux venus les soutenir, de quoi taper du pied aussi, de quoi faire honnêtement patienter donc, sans qu'ils ne se montrent ni brillants, ni gênants.


Le temps de discuter avec mon camarade de concerts venu en retard (quelle surprise ...), et les Crocodiles sont finalement rapidement en place. Nous sommes placés assez loin de la scène (tout est relatif vue la taille du bar) quand le set est entamé d'une intrigante Sleep Forever. S'en dégage une violence encore un peu contenue, mais surtout l'impression que quand tout va se déchirer, ça va être complètement sauvage. La confirmation vient assez vite, puisque les titres s'enchaînent sans temps mort (le groupe s'arrêtera pour nous remercier, et nous laisser les remercier en tout et pour tout une fois pendant le set, une fois pendant le rappel). Le single Hearts Of Love est glissé assez tôt dans le set au grand plaisir de l'assistance. Le groupe semble bien s'éclater sur scène, entre un Brandon Welchez possédé au chant (au passage, je précise que non seulement il ressemble énormément à un camarade, que je qualifierai de "cycliste" pour qu'il se reconnaisse, mais en plus, il lui a piqué toute sa gestuelle), un Charles Rowell branleur au possible à la guitare, mais tout de même très très bon pour faire ressortir des mélodies défoncées, et une section rythmique très solide, parfois brutale. Il y a aussi une fille aux claviers, mais trop effacée pour que je me prononce sur son cas. Bref, nous profitons de l'entrée dans Mirrors, qui a ma préférence depuis que j'ai découvert le groupe, pour nous frayer un chemin vers la scène, histoire aussi pour moi de mettre un peu de bordel, tellement cette composition bouge dans ma tête et me rend fou à chaque fois (les premiers rangs me pardonneront pour la légère bousculade occasionnée). Quel plaisir en tous cas, sur tout le set, de profiter de cette voix sous effets, clairement venue d'ailleurs, et de cette guitare tantôt tranchante, tantôt bruyante au point d'en être enveloppante (Summer Of Hate, noyée dans un bruit forcené). Et puis ces compositions respirent toutes une classe un peu usée, entre mélodies 60's d'évidence, et atmosphère frelatée, drogues et noirceur renvoyant aux Jesus & Mary Chain (mention entre autres à la superbe And All My Hate And My Hexes Are For You, qui pue l'absolu désespoir), ou à Spacemen 3. La seule pointe de frustration concernera finalement la durée du set, sans doute bien trop courte pour une tête d'affiche (allez, deux chansons de plus, et on aurait rien dit). Mais qu'importe, car cela joue peut-être aussi de la distance créée avec le public (avec l'absence quasi-totale de sourires, et de communication), qui rend la musique des Crocodiles non pas attachante, mais viscérale, hallucinée. Bien que vite traversé, le marécage laisse des traces, et aura surtout marqué les esprits.
 
 
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