vendredi 30 septembre 2011

Playlist #15 : September('s not so far away)

Comme le souligne fort justement un penseur-drogué en introduction de Blood Freak, nanar le plus impossible de l'histoire de l'humanité, "Nous vivons dans un monde sujet à de constants changements." Pour tout vous dire, Chocolate, Love, Sex., cher espace d'expression, n'échappe pas à la règle. Je vous avouais le mois dernier avoir postulé pour bénéficier d'un créneau horaire musical chez CampusFm, et je suis en mesure, à l'heure où j'écris ces lignes, d'apporter les dernières précisions à ce projet, et d'annoncer précisément ce qu'il en sera.
Très officiellement donc (et je le dis avec une certaine fierté, oui oui oui), vous pourrez retrouver Chocolate, Love, Sex. sur les ondes un Jeudi sur deux, de 21h à 22h, ma première apparition étant fixée le Jeudi 13 Octobre! Le concept est plutôt simple : une heure de musique consacrée à l'indie-pop au sens large (donc à d'autres futilités), concoctée avec tout mon amour (oui, rien que ça!), entrecoupée d'interventions pour montrer que, même si je n'ai pas grand chose à dire (quoique, sait-on jamais ?), je ne vous laisse pas seuls. Si par hasard vous disposez d'un poste de radio et que vous vous situez à Toulouse, branchez-vous simplement sur 94FM. Si vous êtes de plus loin, ou que vous estimez archaïque l'outil radiophonique, un ordinateur connecté à internet vous suffira pour vous rendre sur www.campusfm.fr, et pour lancer le streaming.
Bref, ceci étant posé, plusieurs autres choses. D'abord, au cas où vous vous poseriez la question, je n'abandonne à l'évidence pas ce lieu pour autant, ni mes écrits cybernétiques. Reste que, face à un emploi du temps qui s'annonce particulièrement chargé (université oblige), je ne sais pas quel rythme je vais pouvoir tenir dans ma tentative de conciliation du nombre incalculable de choses que j'ai à faire. Si rien ne dit que je manquerai de temps, rien ne dit non plus que je vais avoir de la marge. Je ferai mon possible, mais je ne peux rien promettre.
Enfin, je tenais aussi à évoquer (car cela n'a pas donné lieu à "Live report") les concerts organisés dans le cadre du printemps de Septembre (un "Festival de création contemporaine" annuel et Toulousain) le week-end dernier. Car, dans le cadre impressionnant et inhabituel de l'auditorium St-Pierre-des-Cuisines, j'ai été séduit le Vendredi 23 par l'immense fêlure propre à la musique de François Virot (en résumé, coeur brisé, accords violentés, humeur souffrante), puis par la grâce détachée de Ramona Còrdova (en résumé, arpèges lumineux, voix d'ange et gentil hors-sujet), avant le lendemain, de danser contre vents et marées au son du très bon duo électronique Splash Wave (en résumé, Kraftwerk/Air/New Order sur un bateau, baguettes fluorescentes, et mélodies synthétiques de qualité). Merci infiniment, au passage, au gens qui m'ont accompagné, et avec qui j'ai partagé, chacun de ces deux soirs, des afters particulièrement agréables!
Pas d'image du mois, et ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien.

1/ Splash Wave - Passing Breeze (sur l'EP Le Podium #2 : Splash Wave, sorti chez Third Side Records en 2011)
Jolie surprise.

2/ Teen Daze - Let's Fall Asleep Together (sur l'EP Beach Dreams, auto-distribué en 2010)
Tant que l'été ne veut pas finir ...

3/ Youth Lagoon - Montana (sur l'album The Year Of Hibernation, sorti chez Fat Possum en 2011)
De l'émotion, beaucoup d'émotion.

4/ The Record Summer - Put You Out (sur l'EP Race To The Bottom, sorti chez Catclick Records en 2010)
L'autre obsession du mois.

5/ Wild Nothing - Live In Dreams (sur l'album Gemini, sorti chez Captured Tracks en 2010)
Because our lips won't last forever/And that's exactly why/I'd rather live in dreams ...

6/ Veronica Falls - The Fountain (sur l'album Veronica Falls, soti chez Bella Union en 2011)
Et cet album pour le moins craquant.

7/ The Field Mice - September's Not So Far Away (sur le single September's Not So Far Away, sorti chez Sarah Records en 1991)
S'il fallait tout résumer ...

8/ Teenage Fanclub - Sparky's Dream (sur l'album Grand Prix, sorti chez Creation Records en 1995)
Toujours aussi incroyable, cette chanson.

9/ Jens Lekman - Your Arms Around Me (sur l'album Night Falls Over Kortedala, sorti chez Service en 2007)
Pour tous ceux qui ne savent pas utiliser correctement un couteau.

10/ Belle & Sebastian - Sleep The Clock Around (live au Studio 105 de la Maison de la Radio à Paris, le 5 Octobre 1998)
Dormir, dormir, et dormir encore ...

mardi 27 septembre 2011

Out This Week #10 : Youth Lagoon - The Year Of Hibernation

Les choses vont de plus en plus vite. On imagine que cette idée doit traverser, à l'occasion, l'esprit de Trevor Powers, un garçon de 22 ans qui vit à Boise, dans l'Idaho. Un garçon qui, comme tant d'autres (mais avec un talent certain), donne corps, depuis sa chambre d'étudiant, à ses songes musicaux, façon DIY et interminables nuits blanches. Le résultat (July et Cannons, découvertes en binôme), à peine posté sur bandcamp au printemps, a immédiatement suscité l'intérêt de la blogosphère omnisciente, qui s'est chargée de faire monter, comme il se doit et en tout juste un été, la pression entourant la sortie possible d'un premier album de ce projet nommé Youth Lagoon. De quoi permettre au jeune américain de trouver des labels bienveillants (Lefse Records pour l'Europe, et surtout, la respectable maison Fat Possum pour son pays d'origine) pour sortir, en cette dernière semaine de Septembre (accompagnant par là-même un début d'automne drôlement ensoleillé), le magnifique disque qu'est The Year Of Hibernation.


Le lancement est confié à Posters, qui pose sans attendre l'ambiance très particulière au creux de laquelle Youth Lagoon nous plonge : piano osseux, ravagé, et vapeurs synthétiques comme un enveloppant brouillard. La voix de Trevor Powers est d'une incroyable fragilité, tremblant comme une feuille emportée par la brise, suscitant l'émotion par sa trajectoire incertaine. Puis le morceau s'échappe dans un beat épuré, dévitalisé, alors qu'une guitare entre sublimer la mélodie. Le ton est donné : l'album sera grand, mais surtout touchant. Cannons propose le premier enchaînement. Ce qui frappe, c'est l'espace laissé aux mélodies pour s'exprimer, cette capacité à ménager un silence, qui viendra souligner à quel point le piano se montre désespéré, mais vivant. Entre cette boîte à rythmes fusillée, cette guitare en équilibre, ces traînées de reverb, et toujours ce chant indéchiffrable, on se trouve au beau milieu de sentiments forts, parfois contradictoires (comment une si belle lumière peut-elle être si triste ?). Afternoon vient ensuite glisser un soupir malicieux (l'introduction est un modèle de grâce), et faire souffler un intense espoir adolescent, par le biais d'une rythmique puissante, d'un envol épique. On s'imagine bien courir vers nulle part, les poumons gonflés d'air pur, et de sentiments à faire éclater à la face du monde.



Suit Seventeen, qui avance en titubant, autour des hésitations, encore et toujours, d'un piano lunaire, parcimonieux, et de cette voix frêle comme jamais. La composition semble totalement dépassée, ouvrant un intime bousculé, une solitude totale, face à un univers aveugle. Puis vient July, qui ne tient au départ debout qu'à la faveur d'un frémissement vaporeux. Trevor Powers y joue soudain des vocalises enchantées, lançant pour de bon une chanson qui voit les élements s'agglomérer (basse plombée, guitare au coeur serré) pour construire en définitive un édifice tourbillonnant, une ritournelle renversante, particulièrement quand le chant, exalté, devient d'une beauté bouleversante. Day Dream constitue dans la foulée une surprise, tant le beat y rappelle une musique électronique plus classique et surtout plus enjouée. La légèreté se mue pourtant rapidement en ambiguïté, d'autant que la chanson ne manque pas de détours inquiétants, de regards étonnés, d'équilibres précaires. On ne sait absolument plus sur quel pied danser, mais l'expérience est une curiosité, et sans doute une respiration.


La grande chanson de l'album arrive : c'est à mon sens Montana qui mérite les honneurs. Le piano infatigable paraît soudain presque solennel, mais le chant demeure chargé de vulnérabilité. On capte quelques mots, comme ces lignes délicates qui évoquent une espérance souffrante mais bien réelle ("A door is always open if it isn't closed/And a plant is said to be dead if it doesn't grow./I will grow, I will grow ..."). L'atmosphère rassemble les souvenirs d'une nuit sans lune, de laquelle jaillissent mille pensées, guidées là par les bruits singuliers de l'obscurité reproduits par un clavier qui vibre et s'épanche. La montée qui débute alors est inexorable de perdition, le vent souffle (et la mélodie avec lui), dévaste les certitudes, remet tout en question. On ne sort pas indemne d'un morceau pareil, car les sentiments y sont éprouvés jusqu'à faire émerger d'impossibles évidences. Reste à conclure, ce que fera à merveille The Hunt, plume énigmatique (ce glockenspiel ...), douceur rassurante, et guitare alerte, comme pour dessiner finalement un sourire au sortir d'une épreuve (serait-ce, justement, cette année d'hibernation ?) dans laquelle, si tout n'a pas été facile, les choses auront été d'une rare beauté.

jeudi 22 septembre 2011

Un album #9 : Lilys - A Brief History Of Amazing Letdowns [1994]

Comment aller de l'avant ? C'est peut-être la question que se pose Kurt Heasley, leader du groupe Bostonien Lilys, un an après la sortie en 1992 du bijou shoegazing In The Presence Of Nothing (chez Slumberland Records). Le bonhomme tente donc une réponse : il fait presque entièrement table rase du line-up qui l'accompagne, migre vers spinART Records (un label New-Yorkais, nettement moins "marqué", il faut bien le dire, que Slumberland dans ses choix), et laisse un peu de côté My Bloody Valentine, son influence de toujours, pour glisser dans une pop à guitares directe et frondeuse. Le résultat, c'est l'enregistrement, en Février et Mars 1993, du mini-album A Brief History Of Amazing Letdowns, qui sort en Mars 1994. Tout juste six morceaux planqués derrière une pochette quasi-nanarde (non mais ce petit truc tout rond avec un sourire de psychopathe, franchement ?), pour une oeuvre de transition, dynamique et éclairée.

Lilys n'hésite pas une seconde, et lance les hostilités de la plus belle des manières en envoyant la magistrale Ginger (=>). Comment ne pas être soufflé par cette guitare qui sonne comme dans un rêve ? Le bruit caractéristique d'une légère fuzz sur des accords déliés, qui tissent une mélodie gonflée d'un espoir vibrant. La voix de Kurt Heasley est tremblante, mal assurée, mais jamais vraiment hésitante, et ouvre son texte par une image touchante ("When you leave it will be cold outside ..."). La composition va se plaire à explorer des terrains inconnus, des breaks improbables mais inévitablement attachants, quand les montées, frappées ou bruitistes, se muent en envols excitants, laissant pourtant toujours la place, en définitive, à ce couplet qu'on savoure les yeux fermés ("And she comes and she goes but she mostly goes ...") et la tête secouée (cette ligne de guitare, jouissive comme pas permis). Dans la foulée, on passe à deux sucreries chronométrées à moins de deux minutes, à commencer par Ycjcyaqfrj (=>), qui calme le rythme, avant de dévoiler une vraie délicatesse, une voix endormie, une basse ronde et douce, une guitare qui éclate dans un delay tournoyant. Le propos, volontairement raccourci, pose une histoire minuscule, et pour tout dire, attendrissante. Il en est un peu de même, ensuite, avec Any Place I've Lived (=>), un mid-tempo à la mélodie éclatante, pareille à un sourire timide mais sincère. Un balancement léger qui pousse à reprendre doucement les "Hey hey, my friend" inauguraux, puis à se perdre dans un horizon lointain à l'instant où Kurt Heasley, malicieux jusque dans sa drôle de tristesse, demande : "Do you think you can bring me up/Like you bring me down ?/Down down shoo bop ..." Un instant pop ultime, à la simplicité désarmante.

On trouve à la suite Jenny, Andrew And Me (=>), qui renoue avec des durées plus importantes, et qui surtout, plonge dans une mélancolie acidulée et ensoleillée. Encore une fois, et face à des paroles un peu illusoires (quoique, le "It's just because you have a car, just because you have a car ..." final se laisse aimablement chantonner), c'est une guitare intense et exaltée qui porte le morceau, orchestrant à merveille les moments où les sentiments débordent (ce solo, comme un naufrage sublimé), et ceux où le coeur connaît une fêlure intime. Enfin, ou presque, Dandy (=>) bazarde son petit côté branleur, en restant pourtant en permanence sur le fil d'une fragilité portée en étendard par un chant qui ne cache pas sa vulnérabilité. Les choses coulent avec une aisance renversante, chaque accroche semble décisive et parfaitement pensée. Largement de quoi oublier facilement Evel Knievel, dernière piste expérimentale et abstraite au point de sembler inutile. Qu'importe donc, car en cinq chansons fatales, Lilys parviennent à un mini-album fulgurant, de ceux qui font souffler un vent d'évidence par lequel on se laisse volontiers emporter ...

jeudi 15 septembre 2011

Chez Sarah #16 : Brighter - Noah's Ark [SARAH 27]

En à peine 5 années d'existence (de 1989 à 1993), Brighter auront illuminé Sarah Records. Au travers de 4 singles (dont un EP de 5 titres) et un album, le groupe de Keris Howard (futur Harper Lee), Alison Cousens et Alex Sharkey avait trouvé ce son d'une incroyable douceur, écrit ces compositions aux lignes voilées, décrit ces impressions fugaces qui collent si bien aux sentiments, ravagé les cœurs de ceux qui avaient voulu se laisser emporter par cette tristesse diffuse mais éclatante. Une discographie parfaite, désarmante, qui s'était ouverte en 1989 par Around The World In Eighty Days, déjà évoqué en ces pages, et qui se poursuivait en Février 1990 par ce single intitulé Noah's Ark. Les galets maladroitement disposés, cette pochette de bord de mer, en disent déjà long sur les trois pop-songs rencontrées sur ces 7 pouces : c'est innocent, exalté, le temps passe à une vitesse qu'on ne peut raisonnablement expliquer, et ça rêve beaucoup, énormément même, d'un ailleurs, plus loin que l'horizon ... En avant, pour la référence numéro 27.

La face-A, donc, pour Noah's Ark (=>). Du Brighter caractéristique, si j'ose dire : une guitare acoustique jouée avec une infinie paresse, une électrique, en arpèges, à la sublime luminosité. Keris Howard entre, et on sent immédiatement dans sa voix toute la mélancolie possible. Ses premiers mots sont, en effet, résolument évocateurs : "I say goodbye and I sadly smile./Has it all been worthwhile, or a waste of time ?/Just a waste of time." Un regard en arrière déchirant, qui pose à lui seul l'atmosphère d'une chanson qui vogue longtemps et lentement sur une mélodie feutrée, aux timides variations. Brighter dépeint ainsi ces instants foudroyants, quand les yeux deviennent humides, quand les regards se perdent sur des ciels de traîne, quand plus rien n'a réellement de sens. Puis le tourbillon débute sans prévenir, après que la guitare électrique ait pris le pouvoir, soutenue par un synthé usé : une batterie, si rare, vient irradier d'émotions ce final égaré, où ne nous parviennent plus que des "la la la" qui s'envolent, dispersés par le vent, comme les cheveux sur les visages des jeunes filles quand souffle une brise délicate.

Deux morceaux sur la face-B, à commencer par I Don't Think It Matters (=>). Le ton se fait plus léger, et le soleil semble revenir (après le déluge ?). Un Brighter printanier en quelque sorte, à peine sucré, tout juste souriant, accompagné de mots qui ressemblent à l'amour (même si l'on peine à les déchiffrer), puis ce "I don't think it matters then/Should it matter ?", forcément touchant, car glissé avec assurance, et même une pointe de malice. La mélodie, tout au long de ces trois minutes, rassure et cajole, car elle est simple et clairvoyante. Reste tout de même une question bien légitime : Does Love Last Forever ? (=>) Le tempo est en tous cas pour le moins enjoué, incitant à un optimisme dont on espère qu'il guide la réponse. On esquisse sans mal des pas de danse, en laissant pourtant notre cœur s'arrêter juste après le refrain, quand la boite à rythmes se tait pour mettre brièvement en valeur l'évidence et la pureté de la ligne de guitare. Keris Howard chante de sa voix raffinée et insaisissable des mots trop vite échappés, animés d'une excitation sincère. On sait bien que la réponse à la question n'arrivera jamais vraiment. Ou peut-être que si, finalement, quand un pied allume une pédale de fuzz jouissive, du genre à se sentir terriblement vivant, du genre, aussi, à promettre que l'espoir est permis.

jeudi 8 septembre 2011

Live report #11 : Jeremy Jay + Rubycube @ Le Saint des Seins

Tous à vos cartables, c'est la rentrée! Et dans notre nouvel agenda (sur lequel on écrira durant l'année plus de conneries que de devois à faire) trônait dès ce Mercredi 7 Septembre un concert estampillé FriendsOfP (=>). J'ai donc pris le court chemin menant au Saint des Seins, avec le retard qui me caractérise habituellement, pour y retrouver l'agréable trio féminin DanceToTheTuner (=>) / FuckTheClock (=>) / Don'tCallItArt (qui n'a pas de blog, car elle ne goûte peut-être pas le "plaifir narfifique d'écrire"). Tête d'affiche ce soir pour Jeremy Jay, jeune homme venu de Los Angeles, et à qui j'avais décidé d'accorder ma confiance en vertu de sa signature dans cette bonne vieille maison qu'est K Records, et ce même si je ne m'étais penché sur son cas (via Dream Diary, sorti en 2011) qu'à 20h le soir même. Autant donc vous dire qu'il s'agissait pour moi d'une vraie découverte. Les conditions de jeu vont largement peser sur la rencontre : il fait un peu lourd, donc un peu chaud (à la rigueur, peu importe), mais le public est clairsemé (la concurrence de Martine Aubry ?) et particulièrement bavard (faut bien se raconter ce qu'on a fait de son été ...).

La première partie était confiée aux locaux de Rubycube (=>). Cinq garçons jeunes, voire même très jeunes (enfin, je ne vais pas essayer de les dater au Carbone14, puis la dernière fois que j'ai dit que quelqu'un avait l'air jeune, j'ai cru que je m'étais transformé en Dieudonné de la scène rock toulousaine), aux looks que l'on qualifiera de "travaillés", et qui jouent une musique très grandement influencée par Foals (guitares angulaires, rythmique glaciale, chant faussement possédé). Alors on va faire simple, déjà c'est carrément pas ma came sur le principe (disons que ça me donne envie de se poster en fond de salle et de commander une pinte, ce qui a très exactement eu lieu). Mais on en a vu d'autres relever le truc et me convaincre, sauf qu'en l'occurrence ... Enfin bref, ils sont jeunes quoi (je sais, je me répète), donc ils ont le temps de s'améliorer, peut-être aussi d'avoir des idées moins caricaturales, et d'écrire un peu mieux. Faut bien commencer quelque part, d'une façon ou d'une autre, puis laisser le temps aux choses de se faire. Alors on en reparle dans 2 ou 3 ans, si j'ai pas foutu le camp entre temps.


Je le concède donc volontiers, je n'avais aucune connaissance du répertoire du sieur Jeremy Jay (=>), un grand garçon très attachant, qui semble plutôt timide, quoiqu'accessible. Il se charge du chant et de la guitare, au sein d'un quatuor de format classique : batterie, basse et claviers l'accompagnent, tous plutôt souriants. Nous nous avançons donc rapidement pour profiter des compositions construites sur le format d'une pop minimaliste et anachronique, et qui, bien qu'inconnues de mes oreilles, font indéniablement leur effet, dégageant une atmosphère très particulière : sur un tempo le plus souvent légèrement sautillant, les mélodies, d'un classicisme fou, se font accrocheuses, portées par le jeu de guitare nonchalant de Jeremy, qui dissout la facilité dans l'évidence. On se laisse aussi bercer par sa superbe voix, plongée dans une reverb d'un autre temps, à la douceur triste et désarmante. En fermant les yeux, avec un peu d'imagination, on croit entrevoir les paysages d'une Californie mélancolique, ces ciels bleus mais devenus froids, d'une fin d'été où les souvenirs ressemblent à des mirages. En définitive, ce set d'une petite heure au romantisme désabusé, conclu par deux rappels solitaires (chaleureusement demandés, il faut le signaler), aura provoqué un spleen d'une beauté fatale, et c'était, je crois, très bien comme ça. D'autant que pour la bonne humeur, la suite de la soirée, entre épicerie de nuit et casseroles musicales, jusqu'à un sacré dépassement horaire, fut une réussite.

mardi 6 septembre 2011

Un single #26 : Shimmering Stars - East Van Girls / I'm Gonna Try EP [2010]

Pour rester factuel, il faudrait présenter Shimmering Stars comme un - désormais - trio (ne vous étonnez pas si vous trouvez des photographies où ils sont quatre) venu de Vancouver, ou de sa lointaine banlieue. Mais il serait dommage de rester aussi réducteur, à l'heure où la formation menée par Rory McClure (qui compose seul) sort son premier album, Violent Hearts (chez Hardly Art, la semaine prochaine). C'est, en effet, un frisson passéiste mais divin qui guide la musique de ces jolies étoiles, plongée dans une atmosphère résolument 60's : propos concis, reverb à tous les étages, production Spectorienne, morceaux intenses et ravagés. Pour faire simple, écouter Shimmering Stars, c'est remonter dans le temps pour vivre des émotions virginales. Quel meilleur exemple, à ce titre, que leur premier EP, East Van Girls / I'm Gonna Try (=>), sorti sur microsillon en Novembre 2010, hébergé par la structure française Almost Musique, et édité à 500 exemplaires.


La face-A s'ouvre sur East Van Girls, qui met tout le monde d'accord en moins de deux minutes, sur la base d'un riff garage acidulé. Ambiance Vivian Girls, Best Coast, et tous ces gens qui ont rêvé d'être dans un girls-band au point de vouloir faire la même chose, peu important que l'époque ne s'y prête plus aussi bien. On se régale de ce chant envolé, des ces harmonies vocales comme autant de caresses, et surtout de cette mélodie qui se balance, monte et redescend comme un vieux manège nous emporte (et puis ce pont ...). Ce qui marque surtout, c'est la terrible simplicité et l'impression de facilité qui se dégagent, portrait idéalement ensoleillé d'une jeunesse incandescente. On continue avec Believe, qui tombe de rythme, et glisse par ses arpèges délicats vers la balade majestueuse. La batterie agite rapidement l'ensemble de convulsions émotionnelles, rendant à l'instant cet espoir fou qui le caractérise, cette puissance sentimentale façon tourbillon incontrôlable.


Côté face-B, on trouve d'abord I'm Gonna Try, que je considère comme le plus bel exploit du sieur McClure. Sur une guitare acoustique désuète vient se tisser une mélodie à la mélancolie prégnante, tandis que les paroles vont encore plus loin en évoquant le désespoir adolescent. On navigue entre violence pure ("Walking down the street/And I wanna kill everyone I see"), défaitisme dévasté ("I've lost my mind/I'm losing you/It's just as well"), instinct de révolte, ou plutôt, de survie ("I'm gonna dream up a new dream/And I'm gonna dance to a brand new beat"), avant un constat d'une fatale évidence ("I'm wearing a smile, and it's fake/'Cause right now it has to be/Because I know that love is the only thing/That's gonna save me."). La composition s'illumine surtout dans ce contraste majeur entre des couplets de doo-wop exalté, et cette pause sous forme de deux refrains lors desquels le coeur se brise, l'innocence connaît une fêlure amoureuse désarmante. Une perfect pop-song, indéniablement. Pour conclure, Shimmering Stars offrent une relecture hallucinée du Let It Be Me des Everly Brothers (qui avaient eux-mêmes emprunté à Gilbert Bécaud), où la douceur cède sa place à un bruit presque blanc, à une lumière de fracas et de fascination. Au fond, le scintillement de ces étoiles rappelle sans doute celui de sentiments éternels ...
 
 
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