mardi 21 février 2012

Un album #11 : Teenage Fanclub - Songs From Northern Britain [1997]

Il y a des matins comme ça, où l'on se lève en constatant, malgré l'hiver, que le ciel est bleu azur, et que le soleil inonde cette satanée ville dans laquelle on se sent parfois un peu enterré. De ce coup d'oeil quasi-émerveillé par la fenêtre naît une idée : trouver le disque ultime pour faire basculer d'emblée la journée côté versant heureux de l'existence. Et bien Songs From Northern Britain est, à l'évidence, ce disque. C'est le sixième du Teenage Fanclub (en 8 ans, excusez du peu), ce groupe écossais qui a un jour rêvé d'être américain, relocalisant par là-même près de Glasgow l'héritage de Big Star, Neil Young ou The Byrds. Ce sixième album, pour le trio Blake-Love-McGinley (quatre chansons chacun, égalité respectée comme il se doit) serait celui de la maturité si je ne détestais pas cette expression. Bien loin le grunge des débuts, le groupe paraît avoir stabilisé sur Grand Prix (1995) sa formule power-pop chatoyante autour d'harmonies à la classe intemporelle. Mais alors qu'on aurait pu penser que tout était dit par Sparky's Dream ou Don't Look Back, les Fannies réservent encore la surprise d'un disque où ils exploitent pleinement leurs capacités.


Pensez-donc, est-il possible de faire mieux que cette ouverture sur Start Again (=>) ? Au delà du petit coup de coude malicieux destiné à nous signaler que "ça redémarre", quelle love-song chers camarades! Ligné mélodique toute en clarté, Norman Blake aux commandes, d'un optimisme qui force l'admiration. Car s'il fallait tout refaire (en mieux), Norman recommencerait sans hésiter ("And even though it's complicated/We've got time to start again"), sans doute assuré que le plus beau reste à vivre, ce que nous confirme le solo final, qui fait s'envoler le peu de tristesse qui aurait miraculeusement survécu jusque là. C'est donc dans un sourire qu'on écoute Gerard Love, en mode légende vivante, et au relais sur Ain't That Enough. J'ai comme envie d'être vulgaire en entamant ma phrase par "bordel" car ... Bordel, quelle composition! C'est simple, clair, délicat, ça fait briller le soleil comme pas possible. Il y a ce souffle contemplatif, ce bonheur tranquille et amoureux, cette classe infinie des arrangements, des harmonies fabuleuses. Rien ne peut arriver quand Gerard entonne son "Here is a sunrise, ain't that enough?/True as a clear sky, ain't that enough?", car ce lever de soleil suffit largement, à mes yeux. Si d'aventure, cher lecteur, tu es malheureux pour une raison ou une autre, ce morceau change la vie. Tu es prévenu.


Je ne vais pas continuer plus longtemps le track-by-track. Simplement convient-il de remarquer que chacune des douze finesses que contient Songs From Northern Britain porte en elle ce moment de magie, ce truc en plus qui berce, accompagne, remonte le moral, va chercher le beau là où il est pour le retranscrire, le diffuser à toute oreille sous forme d'une pop-song majestueuse. Ces chansons se savourent à la lumière du jour, peut-être un après-midi radieux, au grand air. Des guitares joliment délurées de Can't Feel My Soul (=>) à l'amour bienveillant d'I Don't Want Control Of You, la palette est toujours cohérente : vers le positif, la beauté simple d'un songwriting délié. Les disques heureux le sont souvent dans la jeunesse impétueuse, l'urgence de l’insouciance. Sauf qu'ici, c'est la force tranquille des Fannies qui parle : trois mecs qui semblent tourner à la sérénité, à l'assurance, plongés dans la douce euphorie de compositions immédiates, qui coulent délicieusement. On craque pour les courses éperdues de Take The Long Way Round (=>), pour la quiétude cajoleuse de Winter (=>) ... Et puis surtout, pour l'instant de génie de Raymond McGinley, qui livre la bluette acoustique Your Love Is The Place Where I Come From (=>), sommet de sincérité et d'amour, avoué au fond des yeux, la gorge à peine serrée sur l'entame, avant de se laisser aller à la tendresse la plus absolue dans un refrain de confidence.


Au fond, il est immensément rassurant qu'un disque comme celui-là existe. Ces douze morceaux sont simples et lumineux, chaleureux en toute occasion. Gerard Love a sans doute le mot de la fin dans Speed Of Light (=>), conseillant un sublime "Don't forget to let your feelings go ...". Des mots et des chansons qui rappellent surtout à quel point tout vaut bien d'être vécu, tant il y a des bonheurs et des douceurs à chercher un peu partout. Alors un matin où le soleil brille mais où vous vous demandez si vous espérez encore quelque chose, écoutez ces chansons : elles pourraient bien vous sauver la vie.
 
 
Copyright © Chocolate, Love, Sex.
Blogger Theme by BloggerThemes Design by Diovo.com