jeudi 30 septembre 2010

Playlist #3 : Septembre : du basket, du foot, de l'eau fraîche, et des amphithéâtres.

Septembre, classiquement le mois des derniers instants de flemme estivale (passés à regarder le championnat du monde de basket), du meilleur week-end de l'année avec la Ligue des Cahiers du Foot (à Aix-en-Provence pour la seconde édition, où l'équipe occitane a magnifiquement figuré jusqu'à atteindre une belle première place à l'envers), et fatalement, du retour dans les amphis pour de nouvelles aventures. L'image du mois est une vidéo. C'était le 11 Septembre. Et c'était magique.



1/ Yuck - Georgia (sur le split-single Georgia/Paul Blart And The Death Of Art, sorti chez Transparent Records en 2010)
Miracle noisy-pop, et accessoirement, le solo le plus jouissif de l'année en conclusion.

2/ Klaus&Kinski - Mamà, no quiero ir al colegio (sur l'album Tierra, Tràgalos, sorti chez Jabalina Mùsica en 2010)
Pour tous ceux qui, comme Marina Gòmez ou moi, aimeraient bien rester plus longtemps au lit le matin.

3/ Camera Obscura - Eighties Fan (sur l'album Biggest Bluest Hi-Fi, sorti chez Andmoresound Records en 2001)
Tracyanne est très belle, et Tracyanne écrit de superbes chansons. (Tracyanne, je t'aime.)

4/ Notre-Dame - Sur Ton Répondeur (New Version) (sur le single Sur Ton Répondeur And Other French Love Songs, sorti chez Quince Records en 1999)
Oh la petite pop-song totalement malicieuse ...

5/ The Radio Dept. - The New Improved Hypocrisy (en téléchargement gratuit sur la page http://www.labrador.se/hypocrisy, sorti chez Labrador en 2010)
Même quand ils parlent politique, ils sont magnifiques.

6/ The Field Mice - Anyone Else Isn't You (sur le single The Autumn Store Part 2, sorti chez Sarah Records en 1990)
Other than you, I want no one/If I can't have you, I want to be alone.

7/ The Raveonettes - I Wanna Be Adored (The Stone Roses Cover) (sur le site drmartens.com, sorti dans le cadre du 50ème anniversaire de Dr. Martens, en 2010)
Relecture Spectorienne d'un classique ultime du Madchester.

8/ The Depreciation Guild - My Chariot (sur l'album Spirit Youth, sorti chez Kanine Records en 2010)
Un groupe de shoegaze dans ta console de jeu, si c'est pas trop cool ça.

9/ Porcelain Raft - Tip Of Your Tongue (sur l'EP digital Gone Blind, auto-distribué en 2010)
Le vent souffle, un coeur bat.

10/ The Mary Onettes - Lost (live à Nyhetsmorgon, en 2007)
La Suède. Côté froid et épique.

vendredi 24 septembre 2010

Un single #9 : Best Coast - Best Coast 7" [2009]

Imaginez Los Angeles, la côté Ouest des Etats-Unis, le soleil, les plages, le surf et, tout le reste. C'est de là (mais pouvait-il en être autrement ?) que vient le bien nommé duo Best Coast (la langue fourche facilement vers West Coast), mené par la voix, la guitare et l'écriture de Bethany Cosentino (dont on sait peu de choses si ce n'est qu'elle aime les chats, la pop, et fumer de l'herbe), secondée par Bobb Bruno (dont on sait surtout qu'il joue tous les instruments utiles au groupe, et qu'il était, longtemps avant, baby-sitter de la demoiselle). Venus donc, comme il se doit, de nulle part, armés d'une guitare, d'une pédale de fuzz, et surtout de chansons au charme fou, même pas vraiment totalement sorties de l'adolescence, enregistrées avec les moyens du bord. Largement de quoi conquérir le monde, ou à défaut, quelques coeurs paumés et prêts à se laisser emporter par la première vague d'insouciance qui échouerait par là. Et la vague en question, c'est ce single éponyme sorti chez Art Fag Recordings en 2009.



Sur la face-A, on trouve Sun Was High (So Was I), mid-tempo monolithique et lo-fi, fuzz fatiguée en avant sur une structure totalement épurée (tout juste deux accords ?). Mais quel charme. Et dans ce tonnerre de sentiments, la mélancolie occupe une place de choix, tant on s'imagine une fin d'été à la chaleur insoutenable, les yeux défoncés par le soleil (et par le reste ?), l'esprit tourné vers une contemplation ("Watch the cars go by") passive car dépassée. Une lente inertie donc, et les souvenirs probablement destructeurs de quelqu'un qu'on refuse d'oublier, chantés dans ces "I thought of you ..." répétés par une Bethany à la voix fragile et maladroite, noyée sous les guitares, renforçant une tenace impression de solitude. Moment d'égarement intense, éclairé d'une lumière et d'un amour épuisés, pour une composition fatale de sincérité, qui frappe en plein coeur, puis le brise lors d'un fade-out éprouvant. Sublime.

Côté B se présente d'abord So Gone (=>), qui duplique la recette de la langueur et des guitares crades, tout en renversant les impressions données juste avant. Car ici, c'est Bethany la forte tête qui parle, avec une voix emplie d'insolence, pour décrire un garçon qui ne sait pas ce qu'il veut. Le je-m'en-foutisme n'est donc pas loin, autant dans le son que dans le ton, et on se laisse bien vite gagner par ce sourire ironique. La composition bascule surtout par les "Oooooh" placés à la fin, qui font glisser vers l'évidence une mélodie pop sur laquelle le reste n'insistait peut-être pas assez. C'est donc dans un sourire qu'on accueille That's The Way Boys Are (=>), reprise d'une sucrerie pop 60's (signée Lesley Gore). Une relecture en douceur, plongée dans une reverb typique, et où la guitare mène le train tout en évitant de se montrer envahissante. Sans atteindre la beauté fatale des travaux des Raveonettes, ni s'attarder sur la candeur de la version originale, Bethany se livre à une reprise plutôt coquine, terriblement malicieuse, irrésistiblement dansante. Outre le fait de marquer une influence, se dessine ici surtout la mesure du temps qui passe : dans une autre époque, Mademoiselle Cosentino aurait peut-être été l'égérie d'un girl group produit façon Phil Spector. Si les formes ont quelque peu changé, des filles parlent encore de garçons, et la pop, éclatante, reste le fil conducteur.

samedi 18 septembre 2010

Out This Week #3 : The Radio Dept. - The New Improved Hypocrisy

Cela fait un bon moment (en réalité, depuis le tout début de ce blog) que je n'avais pas traité d'actualité. Mais la rentrée aidant, quelques sorties, que j'évoquerai peut-être, sont planifiées. Ce n'est pourtant pas le cas de The New Improved Hypocrisy, le nouveau single de The Radio Dept., qui n'est ni une sortie physique (le groupe offre simplement depuis Mardi la chanson en téléchargement gratuit à ses fans via son label Labrador, sur http://www.labrador.se/hypocrisy/), ni une sortie vraiment prévue. Mais l'occasion fait le larron, et la bande de Johan Duncanson avait semble-t-il envie d'exprimer ses opinions, moins d'une semaine avant une échéance électorale en Suède (les électrions générales ce Dimanche 19 Septembre, en l'occurence). Ce n'est pas une première pour eux, qui avaient déjà abordé de tels thèmes en désavouant leur premier ministre sur Freddie And The Trojan Horse, puis en plaçant un sample de Thurston Moore en pleine pensée gauchiste au début d'Heaven's On Fire. Je suis en général réservé vis-à-vis des groupes qui s'engagent, sauf que là ...


The New Improved Hypocrisy (=>) s'ouvre sur une couche sonore poursuivie par un beat dévitalisé, une basse ondoyante, et, encore et toujours, des arpèges de guitare délicats et lumineux. La patte est immédiatement reconnaissable, ces messieurs ont un son caractéristique, et quel son (la production est superbe) ! Le premier éclatement (pourtant coulé dans une forme de retenue) vient quand rentre une pédale fuzz vers la quarantième seconde. La mélodie est en place, Johan peut intervenir de sa voix toujours voilée et perdue, pour souffler, plus qu'il ne chante, quelques mots. Je passe volontiers sur le texte lui-même, qui dans sa critique ironique et marquée bien à gauche, convaincra à des degrés divers (disons de la tendresse à l'indifférence) selon qu'on en partage ou non le message. Toujours est-il que la musique, et même la musicalité des mots eux-mêmes, fait qu'on se laisse doucement bercer dans cet ailleurs de shoegaze synthétique, où chaque petite touche, ajoutée aux autres, crée un univers majestueux. Le second couplet se fait en forme de pause, basse épurée et voix toujours sublime en tête-à-tête. Les arpèges, à la suite esseulés, offrent comme un regard vers l'horizon, la douceur d'un soleil matinal, avant une dernière montée fatale, de laquelle se dégage une forme de tension millimétrée, où chaque élément joue modestement son rôle. Le tour de force est réel, et la chanson nous laisse en pleine hauteur, émerveillés. On reprocherait presque à The Radio Dept. de ne pas avoir gardé une telle mélodie pour exprimer un sentimentalisme plus exaltant. Mais au fond, ils semblent disposer d'un tel réservoir, d'une telle capacité à écrire, qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.

jeudi 16 septembre 2010

Chez Sarah #4 : Eternal - Breathe [Sarah 31]

Eternal. Drôle de nom, tout de même, pour un groupe qui aura, dans son histoire, sorti en tout et pour tout ... un seul single, ce Breathe, chez Sarah en Juin 1990. Une trajectoire d'étoile filante donc, éphémère, mais superbement lumineuse. Surtout, une influence réelle, en particulier sur la ville de Reading, dont le groupe est originaire, et qui verra apparaitre dans la foulée des groupes aussi importants pour la scène shoegaze que Slowdive (avec lesquels Christian Savill, chanteur et guitariste d'Eternal, officiera à la guitare) ou Chapterhouse, et ce avec une évidente filiation sur le plan de la mise en musique. Car Eternal déploie un son ample, fait d'un mur de guitares épais, crémeux, fait rare dans le catalogue de Sarah Records. Reste cependant la qualité de l'écriture pop, et de ce point de vue, impossible de se tromper.

La face-A est confiée à la vaporeuse Sleep (=>). On y découvre une guitare acoustique perdue dans des couches et des couches de guitares épurées. Sur les couplets, la voix de Christian Savill est totalement égarée, et se traine sans qu'on ne comprenne rien à ce qu'il peut bien chanter. Qu'importe, car elle rend merveilleusement bien le désenchantement d'une composition à la lumière dégradée. Le refrain instrumental est lui d'une beauté crépusculaire et intense, comme si de la fatigue s'échappait un peu de vie, comme si quelque chose prenait forme, en restant pourtant indescriptible. La timidité habituellement assumée des groupes Sarah semble mélangée ici à l'usure, et les incantations finales d'une guitare sur-aigüe ressemblent à des larmes qui coulent le long d'une joue. Il fallait bien que certains perdent un peu le contrôle ...


Sur la face-B, on trouve en premier lieu la chanson-titre Breathe (=>), composition pop éclatante, à la clarté retrouvée. La guitare shoegaze emprunte à peine à la jangly-pop, pour porter des couplets à la mélodie douce et matinale, dans le murumure d'un Savill rêveur, et qui semble rebondir sur les murs de son. Alors que les guitares ne semblent plus vouloir bouger, c'est lui qui mène, sans jamais rien forcer, la superbe mélodie du refrain, évidence planante, horizon infini. Survient enfin un pont comme un coup de tonnerre, où l'onde se brouille, s'énerve. Pourtant, le dernier refrain, à la suite, noyé dans cet orage bruitiste, reste imperturbable, créant une délicieuse ambigüité entre le calme et la fureur. Une des ces chansons qui emportent loin, très loin. La clôture est confiée à Take Me Down (=>), qui joue la carte d'un larsen agressif, et d'une basse inquiétante très 80's. Un habillage très MaryChainien donc, qui colle malheureusement assez peu avec la voix de Savill, mal mise en valeur, et avec une mélodie qui peine à se démarquer. Un signe intéressant, montrant qu'un groupe de Sarah s'aventurant sur le terrain la dureté ne peut y être vraiment à sa place. Dommage, surtout que l'écoute de la Demo (=>), bien plus aérée, lente et reposée, offrait de jolies perspectives, avec ses violons qui semblent couler (pleurer ?), dans une ambiance majestueuse. Toujours est-il que, même très éloignés des canons de Sarah au niveau des sonorités, Eternal a su, le temps d'un unique single, faire vivre d'une autre manière la timidité et la fragilité, ingrédients classiques des signatures du label. Une autre voie était donc possible, et il faudra attendre l'apparition dans la catalogue de la maison de Bristol de Secret Shine pour à nouveau ressentir cette douceur duveteuse, et entendre ces guitares qui sortent de la chambre ... pour gagner les étoiles.

vendredi 10 septembre 2010

Un album #5 : My Bloody Valentine - Loveless [1991]

Il est des albums que l'on n'oserait évoquer, de peur de ne pas en saisir toute l'essence. J'ai longtemps hésité sur le bien fondé de quelques lignes à propos du Loveless de My Bloody Valentine. Il faut bien se rendre compte que l'on n'appréhende pas facilement l'oeuvre majeure de Kevin Shields. Mettre des mots sur une telle immensité, mais pour quoi faire ? Allez savoir, j'avais envie de raconter une histoire. L'histoire d'un album qui a bien failli faire couler Creation Records, le label, qui avait osé donner aux Irlandais tout ce qu'ils demanderaient. Un album qui marque l'apogée totale d'un mouvement shoegaze chatoyant. Un album, enfin, et surtout, qui dépasse nombre de limites que l'on s'imaginait infranchissables.

La déflagration qui nait sur Only Shallow s'avère, d'entrée de jeu, époustouflante. La batterie, bien que martelée, sort à peine la tête, et le déluge de guitares (la pochette du disque avait vu juste) est tel que la voix sensuelle et flottante de Bilinda Butcher se pose en antithèse délicieuse, douceur figée dans une tempête de bruit. Déjà, la mélodie se dessine, légèrement sucrée, troublée, mais envoutante. On pourrait presque s'arrêter là, sur cette composition magistrale (secondée d'un appendice fumant), première image d'un album impossible. Pourtant, vient déjà Loomer (=>), son rythme fatigué, son mur de guitare qu'on semble pouvoir toucher, tellement il est épais, tellement il semble glisser sous nos pieds. Bilinda, elle, se montre séduisante, et semble faire de chaque phrase un clin d'oeil. Dans la foulée, on pourrait croire inexplicable la minute de transition intitulée Touched, laissée au batteur Colm Ó Cíosòig. Elle marque, c'est cependant intéressant, un abandon total des guitares, pour une formule bruitiste qui bien que peu développée, signifie à quel point le groupe avait osé quitter ses propres sentiers battus.


To Here Knows When pose ensuite l'aplat sonore le plus épais du disque. La mélodie distendue, les guitares enveloppantes, les murmures de Bilinda dans un final intense, évoquent une magie nocturne et brumeuse, et une atmosphère, osons le mot, sexuelle. When You Sleep renoue elle ensuite avec un rythme plus enjoué. Comme un certain nombre de chansons sur l'album, elle est composée de couplets où s'épuisent des voix fantomatiques, avant un refrain instrumental dévastateur par son ampleur, son évidence mélodique, ses détails inexplicables (quel instrument peut bien produire ces sons ?). Fait rare, on saisit ici quelques paroles au vol, échappées pour une fois de manière vaguement intelligible. Peut-être la chanson du disque la plus fidèle au format pop classique, et aux impressions qu'il véhicule par son immédiateté. Sur I Only Said, l'abstrait prend à nouveau les commandes, pour diffuser des sensations planantes, dans une bouffée de défonce et de drogue, de lâcher prise (de lassitude ?). On ne songe même plus à résister à ce tourbillon de guitares sans mesure, à la fois hypnotique et extatique. On plonge, et l'on ne se demande même plus quand remonter.


Si l'on pensait s'être approché du fond, l'ouverture de la face-B sur Come In Alone nous emporte soudainement très en hauteur, loin au dessus de tout (ou peut-être de rien), pour une escapade amoureuse en apesanteur, rythmée ça et là par une batterie éclatée et des distortions perdues qui, à l'image de la voix, agissent comme un souffle dans le coup, raffraichissant et parfois excitant. Le contraste est troublant quand survient Sometimes, morceau le plus intimiste du disque, baigné des chuchotements de Kevin Shields, et de guitares brûlantes. Dans cette chambre, se joue l'expression d'un romantisme brisé, d'espoirs sans retour, de questions sans réponse. Loveless ne porte jamais aussi bien son nom que dans ces instants de perdition, d'usure, qui se dégagent d'une mélodie éteinte, comme si le processus de création, chaotique, avait irradié profondément l'oeuvre. Pourtant, l'univers évoqué ensuite par Blown A Wish semble tout acidulé, et le brouillard se trouve soudain constitué de sucre glace, laissant filtrer une guitare au lever du soleil. Ou comme si le garçon perdu sur la piste précédente avait trouvé avec lui, au petit matin (ou dans un rêve ?), quelqu'un pour le comprendre et lui glisser quelques mots à l'oreille. On trouve ensuite l'abrasive What You Want, menée de main de maitre par les fûts métronomiques de Colm Ó Cíosòig. Comme souvent, guitares, basse et voix se conjuguent dans une couche de son qu'on croit pouvoir appréhender lors d'un couplet déposé, avant qu'explose un refrain majestueux, éclatant.


Le temps d'une transition mystérieuse, et le disque s'achève sur l'imposante Soon, ouverte par un beat synthétique, avant qu'une boucle de batterie très rave ne prenne le relais. En résulte un cross-over épique, entre dance estampillée Madchester, shoegazing, et intentions pop. Mais le morceau joue dans le dépassement de ces bases : mélodie entêtante, structure éparpillée, longueur assumée, breaks efficaces, guitares incandescentes. Danser, rêver, et se laisser porter par une évidence, le temps de 7 minutes réellement uniques. Et c'est à mon sens l'image qu'il faut garder de Loveless : celle d'une oeuvre transcendentale, aux repères identifiables, mais totalement surpassés. Avant tout, Kevin Shields sait écrire des mélodies intemporelles, mais sa force est de les mettre en lumière sous un jour inédit, entre ambition démesurée et sensibilité exacerbée. Car, aussi, le couple Kevin Shields/Bilinda Butcher a tout donné, a trop donné à cet idéal, au point d'en sortir vidé de sa substance ("Loveless", sans amour ...), en même temps que de toute inspiration. Reste pour nous l'occasion d'être subjugués par une beauté éphémère et furtive, mais en tous points éblouissante.

samedi 4 septembre 2010

Un single #8 : Memory Cassette - Call & Response EP [2009]

Dayve Hawke est un peu du genre hyperactif nostalgique. C'est tout du moins cette impression qu'il dégage quand il se démultiplie sous trois identités distinctes (Weird Tapes, Memory Cassette, et le mélange des deux, Memory Tapes) pour faire émerger, depuis environ deux ans, des chansons de son cru, parfois repêchées bien des années en arrière, parfois beaucoup plus récentes. C'est d'ailleurs le concept qui guide Call & Response, EP sorti en Juillet 2009 chez Acéphale et Sincerly Yours, où sur chaque face, une composition vieille de près de 10 ans (le "Call") se trouve accompagnée d'un morceau confectionné pour l'occasion (la "Response"). De quoi, vue la qualité de la chose, placer ce chevelu du New-Jersey sur le devant d'une scène chill-wave (ou tout autre appellation idiote de votre choix) bourgeonnante.

Le premier binôme est Surfin'/Body In The Water (=>). L'occasion d'abord de goûter une voix féminine pour le moins sensuelle, accompagnée d'un beat estival et dansant. On se glisse bien vite dans cet univers de boucles synthétiques malicieuses, de petites touches (découvertes ou redécouvertes à chaque nouvelle écoute) qui font toute la différence. La construction du morceau, loin de toute structure claire, envoute et séduit, en laissant au chant une première moitié, avant de confier la seconde à un passage instrumental allumeur de dancefloor, façon Saint-Etienne à la plage. Sur Body In The Water, le rythme se calme, et l'on semble plonger et s'oublier dans l'eau que l'on vient de contempler depuis le bord de mer. Vocaux perdus, claviers tourbillonants, beat volatile jusqu'à sa disparition pour un pont sur lequel on ferme les yeux pour mieux sentir le vent effleurer notre peau, tout converge vers une contemplation délicieuse, un laisser-aller mystérieux, car générateur de sensations.


Sur la B-side s'élève avant tout la monumentale Asleep At A Party. La sublime évidence mélodique est portée par des nappes qu'on croirait empruntées chez Slowdive, tandis que la basse ronde et généreuse se balade langoureusement. La voix, noyée par la reverb, gagne un territoire fait d'une douce nostalgie, d'images vieillies, de visions brouillées qui laissent l'imaginaire prendre le relais (il en est d'ailleurs de même pour les paroles, indéchiffrables, donc potentiellement magnifiques). La composition pop pointe avec timidité le bout de son nez : on identifie un refrain et des couplets, même si l'homogénéité de l'ensemble reste totale. Puis, un pont mettant en lumière des choeurs immaculés fait office d'envol pour un dernier refrain bouleversant d'ampleur, de mélancolie insidieuse, car éclairée par le soleil couchant. Dans ces conditions, il est vrai qu'on oublierait vite le final constitué par Last One Awake (=>), appendice court et presque indéchiffrable, pour le coup véritablement perdu, peut-être trop marqué par l'épisode précédent. Qu'importe, il s'agit d'un retour sur terre lent mais nécéssaire. Le voyage était beau, avant tout plein de promesses, et déjà, d'une forme de maturité.
 
 
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