jeudi 17 juin 2010

Hors-sujet #1 : Le Chili selon Marcelo Bielsa

Attention, je dévie complètement de mes attributions musicales pour un post football, qui à n'en pas douter, fera fuir même les plus motivés d'entre-vous.

Je l'ai annoncé en divers lieux et diverses occasions, l'équipe que j'imaginais la plus intéressante à voir jouer, avant la Coupe du Monde qui vient de débuter, ne fait pas partie des nations phares habituelles du foot mondial, puisqu'il s'agit du Chili, sorti tout-de-même en seconde position des qualifs dans la relevée zone AmSud. Entendons-nous bien, quand j'évoque l'intérêt à voir jouer une équipe, j'ai des priorités bien précises, la principale étant d'assister à quelque chose de tactiquement élaboré, si possible tourné vers l'offensive. D'où une certaine forme d'admiration de ma part envers Marcelo Bielsa, dit "El Loco" (le fou), coach argentin plutôt culte, tronche de psychopathe, défi tactique mis en avant, conférences de presse de 4 heures (!), déjà légendaire en Argentine (le stade du Newell's Old Boys porte son nom), et idolâtré au Chili. Du lourd, s'il en est.

Quels sont donc les préceptes qui font la spécificité du coaching de Bielsa ? En terme de schéma tactique, deux idées fortes, intangibles : côté offensif, 3 attaquants (deux ailiers et un 9, pour étirer la défense et ouvrir des espaces) et un meneur de jeu "à l'ancienne" derrière eux (très bon passeur, grosse vision du jeu si possible, Matias Fernandez remplissant actuellement le rôle à merveille). Côté défensif, l'idée est toujours d'avoir un défenseuf central de plus que le nombre d'attaquants adverses. Conséquence ? Le concept, c'est de libérer quasi-totalement les latéraux, de leur permettre d'apporter le danger et le surnombre en attaque. Exemple typique hier face au Honduras : un seul attaquant Hondurien au départ, Bielsa propose une défense à 4, où les deux latéraux (Ilsa et Vidal) montent passer l'essentiel de leur temps dans le camp adverse. Sitôt qu'en seconde période, le Honduras fait remonter un second joueur en attaque, entre côté Chilien un troisième défenseur, toujours dans l'idée de demeurer en surnombre, et de laisser une importante lattitude aux latéraux. Le 3-3-1-3 qui en résulte ressemble presque à une hérésie en 2010, la défense à 3 ayant quasiment disparu depuis le début des années 2000 (devant la montée en puissance du 4-5-1 roi).


Ceci dit, un schéma de jeu, aussi intéressant soit-il, ne prend vie que via ce que les joueurs veulent bien en faire. Dans le choix des hommes, Bielsa contraste clairement avec le football "tout athlétique" de notre époque. Songez-donc : la sélection chilienne ne compte qu'un seul joueur de champ de plus d'1m80 (Waldo Ponce, le défenseur central). C'est d'ailleurs la liste des 23 la plus "basse" du mondial, à 1,76m de moyenne. Le profil de ces joueurs est bien particulier : ils sont rapides, vifs, très techniques, dans le plus pur style sud-américain (ahem, vive les clichés). Et les consignes sont à la fois simples et exigeantes : à l'exception des défenseurs centraux, c'est pressing furieux en phase défensive (quite à se cramer, et s'exposer un peu si le premier rideau est transpercé) (et c'est terriblement savoureux de voir les Chiliens tenter de récupérer la balle dans le camp adverse alors que quasi toutes les équipes se replient pour défendre leur surface de réparation à la perte du ballon), et participation de tout le monde en phase offensive. Sur nombre d'actions, par exemple, un milieu de terrain disposant de la balle aux abords de la surface de réparation bénéficie de la fixation de la défense adverse par ses ailiers et attaquants pour trouver les latéraux qui viennent lancés couper dans le dos de la défense. Souvent, dans la surface adverse, à la réception des centres, 6 ou 7 joueurs chiliens pour conclure. 5 ou 6 joueurs aussi pour mener des contre-attaques. Obsession pour les passes courtes, précises, tranchantes, le jeu long étant plus ou moins proscrit. L'autre particularité de ces joueurs est leur capacité à évoluer à plusieurs postes, à interchanger leurs positions, donc à brouiller les pistes, et surtout à s'adapter à un éventuel changement de schéma de jeu en cours de rencontre (en particulier, Bielsa a sélectionné peu de défenseurs purs de formation, privilégiant des milieux défensifs, plus techniques, pour construire sa défense centrale en soignant la relance, et des milieux avec un potentiel de création assez élevé pour prendre les postes de milieux défensifs). Une équipe donc maléable, adaptable, mouvante, insaisissable. Aussi, une réminiscence du football total pratiqué par les Pays-Bas et l'Ajax de Cruyff dans les années 70.


Alors le Chili n'ira probablement pas très loin dans cette Coupe du Monde, principalement à cause de joueurs dont les qualités et le talent resteront très légèrement insuffisants à ce niveau de compétition. Qu'importe, car Marcelo Bielsa a réussi à construire une équipe dévouée à ses orientations tactiques (bien moins rigide que la sélection Argentine avec laquelle il a échoué en 2002), c'est-à-dire en mesure de (je l'espère) proposer ce qui se fera de plus intéressant dans le jeu pendant cette Coupe du Monde.

4 commentaires:

Choci Loni a dit…

La question est : "est ce qu'ils simulent, eux ?"

Pierre a dit…

Et ma réponse sera malheureusement : "oui, un peu comme tout le monde".

Anonyme a dit…

Euh...C'est vraiment une description très précise et une excellente analyse...Z'êtes sûr que c'est pas un site de foot lol...non mais parce que là..bravo...moi sans me vanter, pour être assez calé dans le domaine oO !!!!!!!!!!!!!!!!

Pierre a dit…

Merci.

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