La curiosité mène parfois à des nuits courtes, ainsi qu'à de belles découvertes. En somme, c'est le constat de l'invitation donnée par l'asso toulousaine La Petite au festival lyonnais Les Nuits Sonores (La Petite invite chaque année un festival différent à programmer un long week-end dans la ville rose). Un dénominateur commun pour ces deux soirées au Théâtre Garonne les 11 et 12 Novembre : la musique électronique, sous des formes variées, mais en présence de pointures (Pantha du Prince en particulier, après le rendez-vous manqué pour cause de trains défaillants lors des Siestes Electroniques en Juin). Autant cependant souligner d'emblée que contrairement aux Siestes, institution plutôt ouverte et relax, on nageait Jeudi comme Vendredi en plein délire arty et largement poseur, dans lequel on se sentirait vite mal à l'aise. L'installation très art contemporain de la salle-buvette avait de quoi surprendre (avec deux illuminés qui jouaient de la musique -toujours le même morceau, ou à peu près- avec des Nintendo DS devant un projecteur qui diffusait des vidéos de skateboard et permettait de jouer à Pac-Man ou Space Invaders), alors que la salle de concert proprement dite s'avérait elle d'une sobriété presque inquiétante. Point positif : malgré ses défauts, le public sera les deux soirs entièrement acquis à la cause des artistes, encourageant copieusement, et dansant dès que le son s'y prêtait.
Jeudi 11 se présentait donc en premier lieu Francesco Tristano, pianiste barcelonais venu en quasi-voisin. Le garçon, au physique rappelant Luke Ridnour dans ses meilleures années à la fac d'Oregon (la parenthèse basket est refermée), parait, mais ça doit être l'instrument qui veut ça, complètement habité sur scène. Faut bien avouer que sa façon de faire nécéssite une concentration certaine dans la mesure où jouer du piano, gérer des samples sur un PC, triturer à la main des pédales d'effets et jouer du synthé, en même temps, n'est pas chose aisée. Son set va longtemps peiner à décoller, la faute à des progressions particulièrement lentes, et à un passage en mode Explosions In The Sky, joli mais qui n'avait rien à faire là. Car quand le jeune homme lâche ses beats et livre des accords lumineux, les mélodies sont accrocheuses, et l'ensemble séduisant. Les premiers pas de danse sont esquissés dans une atmosphère sympathique et colorée (à signaler que les light-shows furent plaisants les deux soirs). Le renversement est donc complet lorsqu'il faut accueillir ensuite le live de la DJ française Chloé. Car la techno de la demoiselle évolue dans des sphères très sombres, où la noirceur prend le pas sur la lumière, et où les mouvements s'inscrivent plus en moiteur qu'en sourires. Malgré l'âpreté mélodique de la chose, très monolithique (mais pourtant en perpétuelle évolution), le public prend possession de ce dancefloor des ténèbres. Les beats glauques et froids parlent avant tout au corps, et relèguent peut-être un peu loin les nappes diaphanes et les passages chantés d'une voix perdue par Chloé elle-même. Mon camarade de concerts (qui connaissait bien mieux son sujet que moi, venu quasi-sans rien connaitre les deux jours, je l'avoue) regrettera la durée trop courte du set, en outre marqué par un pain dommageable. C'est en tous cas sur ces constatations que s'achève la première soirée.
Vendredi 12, pas moins de cinq noms à l'affiche, même si seulement trois d'entre-eux parviendront jusqu'à nos oreilles. En effet, un problème de videur peu compréhensif (ai-je vraiment l'air d'avoir 16 ans ?) nous fait manquer l'ouverture assurée par Dunst. Notre soirée débute donc avec les français de Cercueil, premier et seul groupe à structure "rock" (batterie-synthé-basse) du festival. Ils jouent, devant une salle encore un peu clairsemée, un post-punk froid, bruyant, porté par des samples à mon sens trop présents, et par une batteur bon mais trop fort en volume. La chanteuse a une belle voix (quand on l'entend), est plutôt jolie, mais manque pas mal de charisme, aussi. Leurs chansons sont souvent brouillonnes (dont une, présentée comme nouvelle, sur laquelle ils s'y prendront à deux fois), partent un peu dans tous les sens, et manquent d'une ligne mélodique claire. Bref, à part un dernier morceau enfin engageant, pas la joie. Tout le contraire de la suite, qui nous amène en complets ignorants devant El Guincho, trio catalan amené par Pablo Diaz-Reixa aux synthé et sampler, accompagné d'un bassiste et d'un guitariste. Inspirés et à l'enthousiasme contagieux, les trois garçons vont être la claque de ma soirée. On pourrait décrire leur musique comme un road trip d'Animal Collective entre la feria de Pampelune et les fêtes acidulées de la Costa Brava : en résumé, c'est complètement décomplexé, ça bouge comme pas permis, les mélodies sont génialement ensoleillées, et alcoolisées façon cocktail bien fruité. Une façon de mettre les collages sonores un peu cérébraux chers à Panda Bear au service de l'éclate avant tout. En tout, une grosse heure d'un set tubesque (terminé, en rappel, par une Antillas qui ne finissait jamais ... et tant mieux, parce qu'on en aurait redemandé jusqu'au bout de la nuit !) qui nous aura amené le plein été (transpiration en prime) au mois de Novembre, chose rare s'il en est, et surtout une heure absolument fatale pour toutes les paires de jambes et de fesses mises à contribution au cours de danses frénétiques ininterrompues. Complètement joussif. C'est donc un peu sur les genoux qui nous accueilleront pour terminer notre soirée Pantha Du Prince. Et c'est avec les forces insoupçonnées qu'il nous reste que l'on va encore bouger pendant une bonne heure sur une techno minimale puissante, mêlée de relents d'ambient, quand ce n'est pas de shoegazing. Après un début très bruitiste et flanqué d'une capuche façon magicien noir, le bonhomme va mettre très en avant ses beats pour se lancer dans un set passionnant, toujours partagé entre paysages épurés sur mélodies glacées, voyages épiques, et expérimentations parfois difficiles à appréhender (mais je ne suis pas du tout familier du genre, d'où ma possible incapacité à tout intégrer). Globalement quand même, Hendrik Weber (de son vrai nom) crée une atmosphère réellement prenante, où un romantisme diffus et subtil pousse à danser les yeux fermés, à se laisser glisser entre les champs de possibilités ouverts par chaque nouveau rythme, étouffants ou exaltants, souvent entrelacés. Des applaudissements très chalereux marqueront des remerciements sincères, pour cette rencontre enfin matérialisée. C'est très fatigués mais particulièrement heureux que nous quittons donc les lieux vers 2h30 (rester pour Acid Washed qui concluait jusqu'au matin étant problématique pour diverses raisons). Et si les horizons explorés lors de ces deux jours restent encore troubles pour moi, ce fut indéniablement l'occasion, en plus de satisfaire un peu de ma curiosité, de passer de superbes moments.
dimanche 14 novembre 2010
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1 commentaires:
chouette review ! bien amené, bien rédigé. keep going :)
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