mardi 27 septembre 2011

Out This Week #10 : Youth Lagoon - The Year Of Hibernation

Les choses vont de plus en plus vite. On imagine que cette idée doit traverser, à l'occasion, l'esprit de Trevor Powers, un garçon de 22 ans qui vit à Boise, dans l'Idaho. Un garçon qui, comme tant d'autres (mais avec un talent certain), donne corps, depuis sa chambre d'étudiant, à ses songes musicaux, façon DIY et interminables nuits blanches. Le résultat (July et Cannons, découvertes en binôme), à peine posté sur bandcamp au printemps, a immédiatement suscité l'intérêt de la blogosphère omnisciente, qui s'est chargée de faire monter, comme il se doit et en tout juste un été, la pression entourant la sortie possible d'un premier album de ce projet nommé Youth Lagoon. De quoi permettre au jeune américain de trouver des labels bienveillants (Lefse Records pour l'Europe, et surtout, la respectable maison Fat Possum pour son pays d'origine) pour sortir, en cette dernière semaine de Septembre (accompagnant par là-même un début d'automne drôlement ensoleillé), le magnifique disque qu'est The Year Of Hibernation.


Le lancement est confié à Posters, qui pose sans attendre l'ambiance très particulière au creux de laquelle Youth Lagoon nous plonge : piano osseux, ravagé, et vapeurs synthétiques comme un enveloppant brouillard. La voix de Trevor Powers est d'une incroyable fragilité, tremblant comme une feuille emportée par la brise, suscitant l'émotion par sa trajectoire incertaine. Puis le morceau s'échappe dans un beat épuré, dévitalisé, alors qu'une guitare entre sublimer la mélodie. Le ton est donné : l'album sera grand, mais surtout touchant. Cannons propose le premier enchaînement. Ce qui frappe, c'est l'espace laissé aux mélodies pour s'exprimer, cette capacité à ménager un silence, qui viendra souligner à quel point le piano se montre désespéré, mais vivant. Entre cette boîte à rythmes fusillée, cette guitare en équilibre, ces traînées de reverb, et toujours ce chant indéchiffrable, on se trouve au beau milieu de sentiments forts, parfois contradictoires (comment une si belle lumière peut-elle être si triste ?). Afternoon vient ensuite glisser un soupir malicieux (l'introduction est un modèle de grâce), et faire souffler un intense espoir adolescent, par le biais d'une rythmique puissante, d'un envol épique. On s'imagine bien courir vers nulle part, les poumons gonflés d'air pur, et de sentiments à faire éclater à la face du monde.



Suit Seventeen, qui avance en titubant, autour des hésitations, encore et toujours, d'un piano lunaire, parcimonieux, et de cette voix frêle comme jamais. La composition semble totalement dépassée, ouvrant un intime bousculé, une solitude totale, face à un univers aveugle. Puis vient July, qui ne tient au départ debout qu'à la faveur d'un frémissement vaporeux. Trevor Powers y joue soudain des vocalises enchantées, lançant pour de bon une chanson qui voit les élements s'agglomérer (basse plombée, guitare au coeur serré) pour construire en définitive un édifice tourbillonnant, une ritournelle renversante, particulièrement quand le chant, exalté, devient d'une beauté bouleversante. Day Dream constitue dans la foulée une surprise, tant le beat y rappelle une musique électronique plus classique et surtout plus enjouée. La légèreté se mue pourtant rapidement en ambiguïté, d'autant que la chanson ne manque pas de détours inquiétants, de regards étonnés, d'équilibres précaires. On ne sait absolument plus sur quel pied danser, mais l'expérience est une curiosité, et sans doute une respiration.


La grande chanson de l'album arrive : c'est à mon sens Montana qui mérite les honneurs. Le piano infatigable paraît soudain presque solennel, mais le chant demeure chargé de vulnérabilité. On capte quelques mots, comme ces lignes délicates qui évoquent une espérance souffrante mais bien réelle ("A door is always open if it isn't closed/And a plant is said to be dead if it doesn't grow./I will grow, I will grow ..."). L'atmosphère rassemble les souvenirs d'une nuit sans lune, de laquelle jaillissent mille pensées, guidées là par les bruits singuliers de l'obscurité reproduits par un clavier qui vibre et s'épanche. La montée qui débute alors est inexorable de perdition, le vent souffle (et la mélodie avec lui), dévaste les certitudes, remet tout en question. On ne sort pas indemne d'un morceau pareil, car les sentiments y sont éprouvés jusqu'à faire émerger d'impossibles évidences. Reste à conclure, ce que fera à merveille The Hunt, plume énigmatique (ce glockenspiel ...), douceur rassurante, et guitare alerte, comme pour dessiner finalement un sourire au sortir d'une épreuve (serait-ce, justement, cette année d'hibernation ?) dans laquelle, si tout n'a pas été facile, les choses auront été d'une rare beauté.

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