samedi 27 août 2011

Chez Sarah #15 : The Field Mice - Sensitive [SARAH 18]

Que dire pour introduire Sensitive, de The Field Mice ? C'est peut-être la sortie de Sarah Records qui a le plus compté dans la destinée du label. Allez savoir pourquoi (mais une écoute suffit sans doute à comprendre) un single peut bousculer, renverser, emporter l'imaginaire collectif de tout un tas de gens. Oui, parfois, c'est aussi simple que ça, et le réel vient toucher le symbolique, l'oeuvre et l'auditeur ne forment plus qu'un, l'identification est totale. Sensitive, sorti en 18ème position, le 27 Février 1989, restera à tout jamais le single fondamental de Sarah, celui, en tous cas, que nombre d'amoureux de la structure de Bristol garderaient s'il ne devait en subsister qu'un. C'est donc sans doute habité d'une forme de fébrilité que je vous le présente, comme si oser en parler était risquer de mal exprimer tout ce que ces deux chansons gravées sur microsillon représentent pour moi, et probablement pour d'autres. Mais qu'importe, car j'ai envie, si ce n'est besoin, d'en parler. Et ce ne sont pas les mignons pingouins de la pochette qui m'arrêteront ...

Sensitive (=>) donc, sur la face-A. La plus évidente des évidences. Car à l'instant où commencent les arpèges brumeux, au moment où l'on comprend que la boite à rythmes ne s'arrêtera plus, à la seconde où la basse étire le tout, on comprend que quelque chose de spécial est en train de se passer. C'est tout juste avant que la fuzz ne vienne sublimer un coup de vent, ébranler les sentiments. Bobby Wratten commence à chanter. Il est fragile, doux, presque sûr de lui, alors même qu'il exprime le fait même d'être dépassé par le monde, par les autres. C'est là qu'est toute sa force, car Bobby Wratten assume, porte en étendard, écrit un hymne. Un hymne démesurément sensible, parce qu'il ne sait pas vivre autrement, et moi non plus d'ailleurs. "If the sun going down can make me cry./Why should I, Why should I/Why should I not like the way I am ?" et tout semble énoncé. Qui oserait défendre une telle idée, selon laquelle s'émouvoir à en pleurer pourrait aussi constituer une façon d'appréhender sa vie ? Le refrain n'exprimera pas autre chose que cette beauté, pour beaucoup illusoire, pour certains fondamentale. Puis la mélodie fulgurante s'écorche dans une outro à fleur de peau, sans limite, bouleversante et ravagée, dont on aimerait qu'elle dure éternellement, alors que, digues comme retenues, tout semble lâcher ...

Le plus fou dans cette histoire, c'est sans doute que la face-B, When Morning Comes To Town (=>), est tout aussi incroyable. L'atmosphère est à la fois très différente et très semblable à celle de Sensitive : on ressent terriblement ce coeur serré, cette chambre d'étudiant en hiver, chauffée au point de laisser de la buée sur la vitre de la seule fenêtre de la pièce. Les yeux sont plongés dans le vague de cette mélodie délicate, cajoleuse mais brisée, les mots prennent tout leur sens. Il est question d'une rupture, à l'évidence, mais d'une rupture pas comme les autres. Si l'année suivante, End Of The Affair constatera les dégâts, désespérée et résignée, When Morning Comes To Town se glisse dans une vision plus apaisée, fatalement mélancolique, mais ponctuée d'un sourire timide. Au fond, ces deux voix (Nina Handrews s'ajoutant à Bobby Wratten) s'accordent à merveille, et c'est bien là que réside l'immensité du morceau. Oui, les arpèges subliment la lumière de ce jour qui se lève. Oui, le clavier caresse, enveloppe. Oui, la guitare acoustique porte le monde sur ses frêles épaules. Mais ces deux voix disent tout. Tout de cette histoire au destin un peu cruel ("All things have to end/They have to and they do./And they do."), tout de ce qui ne s'effacera jamais ("I'll think of you always/For you know as well as I/That for you I would have/Died and would still die/Would still die."). Puis, surtout, du fait de se quitter avant qu'il ne soit trop tard, avant que la perfection de cet instant ne s'évanouïsse : "This way it is the way no rain of cutting words/I'm happy to go out like this, if happy is the word." Alors, si les larmes coulent, elles ont, plus que le goût de la tristesse, celui de l'émotion la plus pure, et la plus intense.

3 commentaires:

Yves H&A a dit…

Beautiful oraison...

Lily a dit…

Tu fais bien d'en parler de ces 2 morceaux, car tu en parles très bien, de la façon la plus "sensitive" qui soit!
Je partage cette idée de beauté fondamentale, souvent décriée comme illusoire...
"the price I pay to appreciate..." vous connaissez la suite.. ;)

Hectorvadair a dit…

J'ai eu la chance d'acheter ce single lors de sa parution, et d'avoir un groupe Pop à ce moment là. On a repris "Sensitive" en 1990, joué en live, et ça dans des bleds paumés de la région Rhône alpes.
Drôle, non ?
ironie du destin, je jour de la mort de mon frangin tué par une voiture en 1992, ce single qu'on adorait avec lui et d'autres potes, on l'a passé dans l'église lors de l'ouverture de la cérémonie.
Une "évidence" tu disais ? (...) :-)

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