vendredi 21 janvier 2011

Made In France #2 : Young Michelin

Comprendre la musique des Young Michelin (=>), c'est d'abord faire preuve d'un peu d'imagination. Pour essayer de faire simple, vous risquez de penser à Indochine (pour le son très défini new-wave, et surtout l'usage sans le moindre complexe du français, même si ces racines sont sans doute à aller chercher du côté d'Elli et Jacno), mais demandez-vous, même si cela relève de l'improbabilité la plus totale, ce qu'il serait advenu du monde s'ils avaient signé, par dévouement envers la composition autant que par choix esthétique, chez, au hasard, Sarah Records. Un tel évènement aurait sans doute tenu de l'halluciant, et pour ainsi dire, il a fallu attendre 2010 pour qu'un tel délire se réalise. L'artisan principal en est Romain Guerret, un garçon impliqué dans un autre groupe (Dondolo), et qui a réuni autour de lui, du côté de Marseille, quelques camarades (dont certains issus tout simplement de ... Dondolo) pour se lancer dans un projet basé sur une pop volontairement étriquée (boites à rythmes rigides, structures simplifiées, goût pour les guitares crystalines des années 1980). Le bilan, c'est qu'après quelques mois, la bande aux pulls rayés ne semble plus très loin de son premier album, après quelques singles étincellants dispersés ça et là (dont un en digital chez Holiday Records, label tenu par un des membres de The Drums), et une victoire au CQFD 2010.

Un petit aperçu de quelques chansons déjà parues s'impose pour mieux cerner la bande. On peut commencer par l'instrumental Les Copains (=>), qui propose une rythmique glacée (on pense à The Field Mice, forcément), et des arpèges de guitare datés qui se relaient avec un clavier fané et souffrant. La mélodie s'emploie à évoquer avec brio le temps perdu, les jours qui passent et nous dépassent, dans une ambiance profondément nostalgique. On se laisse facilement renverser par une fine pointe de distortion, mais l'explosion ne vient jamais réellement, ce qui procure finalement un effet d'autant plus magique, comme si les choses s'éteignaient sans que l'on n'y puisse rien. Au rayon de pop-songs plus sobres d'un point de vue formel, on se délecte par exemple de Elle M'oubliera (=>), appel du pied évident à The Smiths et la guitare de Johnny Marr. Les paroles sont romantiques et simplistes, joliment touchantes, par leur légère naïveté. Le final, où la batterie passe en force, est un beau moment de crash guitaristique, de nerfs qui craquent. Pourtant, on retient aussi l'énergie débordante, guidés par une basse souvent sautillante, comme sur Teen Whistle, qui se cache longtemps sous des nappes déliées, avant d'éclater dans une course euphorique sur laquelle il est impossible de ne pas danser, mais qui garde au creux d'elle une mordante fragilité. Mention aussi à Je Suis Fatigué, exercice de style façon montée fatale, traitant comme son nom l'indique de laisser-aller, quand ce n'est pas de flemme pure, tendance désabusée, avec un sens de la formule tout adolescent, à l'arrière-goût twee, avant une conclusion qui lorgne vers une électronique désuète. Si Young Michelin possèdent donc indéniablement cette capacité à marquer par leurs compositions, l'anachronisme perpétuel que constitue leur son les empêchera peut-être d'aller plus loin que le microcosme indie-pop, déjà partiellement acquis à leur cause. Sans pour autant leur souhaiter un tel destin, on saurait dans cette hypothèse les garder auprès de nous, comme un singulier "best kept secret" à la française.

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