jeudi 31 mars 2011
Playlist #9 : March Madness
lundi 28 mars 2011
Out This Week #9 : The Pains Of Being Pure At Heart - Belong
Le nouveau chapitre s'ouvre avec la chanson titre Belong (=>), qui s'était vue décerner le titre d'hymne de mon printemps dès Février, quand avait été annoncé qu'elle serait un single. Les arpèges délicats (dans une évocation du Soon de My Bloody Valentine) sont bien vite emportés dans une bourrasque de fuzz qui peut surprendre tant elle marque l'arrivée aux commandes d'Alan Moulder et de Flood pour donner une identité sonore au groupe. Qu'importe, car la composition dévoile une mélodie pure et éclatante, mettant aussi en valeur la voix de Kip Berman, plus sensible que jamais. Les couplets sont ravagés, vont de questions en réponses (le "We tried each other, let's try another." inaugural se voyant répondre plus loin un "We tried another, let's try each other." résolu), puis le refrain s'envole en intensité. Puisque les choses sont lancées, on peut plonger dans Heaven's Gonna Happen Now (=>), petite bombe bien dans le style des productions précédentes : batterie et guitares affolées, mélodies craquantes, deuxième couplet emmené par la basse d'Alex Naidus, larsens disséminés par Christoph Hochheim (crédité très officiellement dans le livret, il faut le signaler), solo irrésistible, paroles à tomber de tendre naïveté. Rien ne manque au tableau, et comme au premier jour, il semble clair qu'on ne s'en remettra que difficilement. Et ce n'est pas Heart In Your Heartbreak (=>), single envoyé en éclaireur fin 2010, et joué la semaine dernière chez Letterman, qui viendra mettre en cause la qualité irréprochable des compositions.
Le premier vrai pari stylistique vient ensuite par l'entremise de The Body (=>), qui met comme rarement en avant le synthé de Peggy Wang, autour d'un gimmick rebondissant, puis de nappes glacées lors des refrains. Les guitares semblent en retrait, au contraire d'une basse très mouvante, et du jeu de batterie de Kurt Feldmann, qui claque et dépote façon New Order. Le résultat, c'est une folie noisy-discoïde autour de préoccupations adolescentes bien connues ("Tell me again what the body's for, cause I can't feel it anymore."), qui donne à la musique des Pains un vertige délicieux. Il est d'ailleurs dommage que la transition avec la ballade Anne With An E (=>) se fasse si brutalement. J'identifie ce passage comme, malheureusement, le seul point faible du disque, tant cette chanson, sans conteste pétrie de bonnes intentions, mais quelque peu convenue (ceci dit, le songwriting n'est pas mauvais en lui-même), vient briser un rythme infernal dont on aurait aimé qu'il ne retombe qu'une fois le disque définitivement arrêté. Peut-être que faire exploser ce morceau dans un bruit blanc aurait pu apporter un élan qui, je trouve, manque, mais après tout, c'est pas pour ce que j'ai écrit comme pop-songs que je peux donner quelque conseil que ce soit. Bref, une fois prise cette respiration, on se jette à corps perdu dans la superbe Even In Dreams (=>) qui constitue à mon sens la réussite ultime de ce nouvel album. Allez savoir ce que révèle chez moi cette ambiance nocturne et très années 1980, mais le groupe trouve ici une simplicité désarmante autour d'un couplet aux doux murmures, puis d'un refrain, amené dans l'excitation, où la fuzz éclate en même temps que l'émotion, comme on éclate en sanglots dans les bras de quelqu'un à qui l'on avoue qu'on l'aime. Le pont ouvre alors un champ de possibles renversant, une immensité à éprouver le coeur chancelant, particulièrement quand Kip ajoute d'un souffle un "And I do". Une chanson impossible d'évidence.
Il faut pourtant s'en relever car il reste de belles choses, à commencer par My Terrible Friend (=>) (deuxième référence aux Field Mice en autant d'albums, après la géniale This Love Is Fucking Right! ?). On y retrouve en première ligne le synthé cristallin de Peggy Wang, dans une ambiance qui renvoie énormément à leur Higher Than The Stars : batterie légère mais décidée comme une boîte à rythmes, refrains instrumentaux, sensation de s'échapper dans une lumière chatoyante. Les choeurs en font à peine trop, mais c'est de l'anorak-pop décomplexée et irrésistible, qui assume à merveille sa fragilité, son innocence, en ouvrant le droit de danser sur une mélodie rêveuse. C'est assez clairement parfait. De son côté, Girl Of A 1000 Dreams (=>) renvoie à une toute autre facette du groupe, celle du tout premier EP détraqué, il y a 4 ans déjà (2007, une éternité ...). Au menu, une fuzz délurée, une batterie sauvagement martelée, et une jeunesse incandescente, aux relents punk (gorge serrée, urgence totale), qui croise le fer avec les choix radicaux de The Jesus And Mary Chain (le feedback, encore et toujours). Le grand shoot d'adrénaline du disque, insolent et sans limite, forcément joussif. D'où un contraste déroutant quand s'ouvre Too Tough (=>), qui, dans sa construction (en particulier un pont qui laisse seule une guitare splendide de délicatesse), constitue un bel écho à Stay Alive, qui illuminait leur premier album. Un instant où les sentiments prennent une puissance rare, quand la fêlure ne peut que trop difficilement se cacher ("You're too tough, to say that it's all too much ..." ), que les blessures se rouvrent. Pourtant, la mélodie figure un soleil d'hiver fatigué mais idéal, qui tient autant d'une indéniable tristesse, que d'un lointain espoir, comme s'il n'était pas trop tard.
Et puisqu'il faut conclure, Strange (=>) déploie un beat quasi-Madchester, ouvrant la voie de guitares qui sonnent comme un rêve éveillé, une caresse tendre, guide d'une mélodie brillante qui se développe lentement, emporte tout dans un tourbillon affectif démesuré, celui d'une solitude vécue à deux, au creux d'un amour de gens étranges, contemplatifs, et qui, par dessus tout, croient en leur différence comme en une force. Un peu plus de quatre minutes pour susciter la sensation bouleversante d'une envie de danser jusqu'à l'épuisement, en fixant le ciel et les étoiles, seules limites valables quand plus rien n'a d'importance. Alors, l'impression est tenace : The Pains Of Being Pure At Heart sortent avec ce Belong une oeuvre dont il sera impossible de se défaire. Leur pari de diversifier la forme, en la rendant aussi plus forte et assurée, pouvait sembler risquer, tant leurs compositions vont chercher leur intensité dans une adolescence vécue et décrite comme une réalité écorchée. Pourtant, le résultat est un nouvel équilibre tout aussi intéressant : celui d'un groupe plus adulte mais qui ne se renie à aucun moment. Peut-être faut-il y comprendre que les coeurs purs peuvent aussi s'assumer, s'affirmer. Et autant pour eux que pour moi, je trouve ça rassurant.
mardi 22 mars 2011
Chez Sarah #11 : The Sea Urchins - Solace/Please Rain Fall [SARAH 8]
La première face-A s'intitule Solace (=>), produite par Joe Forster, un des fondateurs de Creation Records. Elle met en scène, dès l'ouverture, une guitare tranchante et délurée, ainsi qu'une batterie violente, à tel point qu'on se demande si l'on est bien chez Sarah Records. Heureusement, ces deux éléments, présents tout au long de la chanson, vont bien vite reculer dans l'agencement sonore, laissant s'exprimer un clavier complètement 60's, et surtout l'incroyable voix de James Roberts, nasillarde au possible, et pourtant toujours dans le ton, de sa plainte inimitable mais bêtement craquante. On se trouve fatalement bien vite entraîné par cette instrumentation quasi-garage-rock, qui cache pourtant une mélodie douce et ondulée du plus bel effet. Le grand moment est l'intervention impromptue d'un solo de guitare complètement classe, indiciblement déchiré et déchirant. Mais l'impression globale, sans trop que l'on sache pourquoi ni comment cette sensation émerge, c'est qu'un groupe estampillé Sarah, même en se permettant des choix radicaux, garde toujours ce rien de fragilité, si important.
La seconde face-A, par contre, est absolument dans le ton habituel du label de Bristol, au point d'atteindre même le rang de symbole. Please Rain Fall (=>) est un de ces morceaux qui confèrent au mythe, car ils manient une imagerie tout simplement renversante. La pluie est en effet, allez savoir pourquoi, un de ces thèmes intouchables d'une indie-pop romantique et naïve, qui se plait à la contempler par-delà une fenêtre, les yeux perdus dans le vague, la tristesse sublimée. Cette chanson s'impose en exemple parfait, dévoilant un mid-tempo déprimé qui met en valeur des jangly-guitars Byrdsiennes magistrales, dont les arpèges ramènent à la beauté furtive d'instants idéaux. La voix de James Roberts traîne juste assez pour être totalement désarmante, jusqu'à cette montée pour un refrain chargé de sensibilité, marqué au plus profond par ces choses qui nous dépassent ("Right into my head, and all around me ..."). La mélancolie, soulevée par une mélodie à la fatigue sincère, s'immisce sans dire mot, comme suggérée par cette batterie qui frappe par minuscules touches, à la manière d'autant de gouttes d'eau. Mais, plus que de pluie, on comprend facilement qu'il s'agit sans doute d'un déluge ... de sentiments.
mercredi 16 mars 2011
Made In France #3 : My Raining Stars
On peut prendre par exemple, (presque) au hasard, Gone Forever More (=>), habillée plutôt rock avec un riff tranchant sur les couplets, accompagné tout-de-même d'arpèges réverbérés plutôt chatoyants. Se crée une légère tension, dont nous extirpe pourtant un refrain up-tempo magistral, mélodie envolée et guitares shoegazing en avant. Le final duplique la sensation d'un moment lumineux, dont on ne sait plus s'il est éclaté ou éclatant (sans doute les deux). Mais le répertoire de My Raining Stars sait aussi faire dans la douceur, comme sur la très belle Head Over Heels (=>), façon petit matin fatigué, les yeux dans le vague, acoustique libérée, et éclairée d'une électrique inspirée. Des choeurs subtils viennent soutenir le chant de Thierry sur un refrain insaisissable, d'une tendre rêverie, tandis qu'on goûte pour terminer à des "la-la-la" légers et enfantins, simples et touchants. Mais ma préférence la plus absolue est sans conteste pour Riding For A Fall (=>), jangly pop-song dans la plus pure tradition, baignée de délicate nostalgie, mais menée à un rythme permettant d'esquisser de timides pas de danse. Une chanson marquée par deux passages particulièrement désarmants : le premier quand des "You won't be my star" sont glissés d'une voix désabusée juste ce qu'il faut, dans un moment de respiration acoustique chargé de sentiments. Le second, au cours d'un pont guidé par une basse agile, dépose une mélodie affolante d'évidence, et fait s'entrecroiser un chant dédoublé avouant une fragilité émouvante, la même qui nous ébranle à l'écoute de certains passages phares de la vague C86. Cette indie-pop aux lignes claires, My Raining Stars l'a pour l'instant déployée sur onze morceaux imprégnés d'un songwriting sensible, magnifiés d'arrangements éloquents. Espérons que de nouvelles demos connaissent le même sort, et nous parviennent. Il pleuvra sans doute à cette occasion quelques jolies étoiles ...
jeudi 10 mars 2011
Live report #5 : Allo Darlin' + Alone With Everybody @ Le Saint des Seins
En raison de mon retard, ne comptez pas trop sur moi pour vous offrir un récapitulatif correct et exhaustif de la prestation du Toulousain Alone With Everybody (=>). Camille, de son prénom, ancien guitariste de The Red Lips, groupe local émergé avec la vague post-punk de la dernière décennie, a pris ses aises en solo, à l'aide de sa guitare, autour d'accords simples mais agencés en de subtiles mélodies, et d'une jolie voix. Sur scène, en tous cas ce soir, en tous cas à partir du moment de son set où je suis arrivé, il est simplement accompagné d'un clavier qui saura se montrer discret, et souligner avec pertinence quelques passages. L'ensemble est souvent de cette tristesse légère, de cette solitude aussi, qui collent difficilement à l'ambiance de ce bar bruyant d'un sud de la France exubérant. La musique d'Alone With Everybody prend sans doute sa pleine mesure dans des environnements plus calmes, mais cet aperçu permet déjà d'observer de belles qualités dans la composition. Le garçon est donc à suivre.
La voie est libre pour accueillir, après quelques minutes passées étonnamment vite, le quatuor Allo Darlin'. La composition est ainsi faite : Michael Collins assure un job appliqué à la batterie, Paul Rains apporte du rêve grâce à sa guitare (et quand il prend sa Rickenbaker, ça en devient splendide), Bill Boting officie à la basse en sautillant avec un sourire inébranlable (détail qui tue, il enlèvera ses Converse dès le troisième morceau, pour passer toute la soirée en chaussettes), et enfin, last but not least, Elizabeth Morris joue de sa féminité, sa tendresse, un peu de sa timidité, et surtout de sa joie de vivre aux commandes d'un ukulélé que j'aurais imaginé moins présent, mais qui finalement sait trouver sa place dans un son juste assez bordélique pour être totalement ravissant. Alors que j'ai gagné le premier rang, le groupe ouvre sur If Loneliness Was Art et ses "shalala" qu'on ne peut s'empêcher de chanter, donnant au passage le ton du concert. La suite de la set-list saura passer en revue les tubes magistraux de leur premier album, tout en laissant une jolie place à quelques nouveaux morceaux (et peut-être à des faces-B qui m'auraient échappé ?). À ce petit jeu, je retiens, en vrac, The Polaroid Song ("A song about taking pictures", nous dit Elizabeth) (entrecoupée d'un pont spécial qui a débordé ma perception), la jouissive Kiss Your Lips, qui ouvre le droit d'exulter, et puis, et puis, je pourrais citer tous les morceaux de l'album joués, vous avez très bien compris que j'ai adoré ... Comment résister au romantisme divin des couplets de Dreaming ? Comment ne pas se laisser emporter par la tempête du refrain marqué par une batterie dingue sur My Heart Is A Drummer ? Même les petites nouvelles sont immédiatement entrainantes (bon présage en vue d'un second album qu'ils enregistreront très bientôt), à l'image de Europe, qui si j'ai bien compris débute par une question existentielle, mais dérive bien vite vers un pur moment de magie. Les premiers rangs bougent sans retenue, s'éclatent et s'amusent, moi le premier, même si le prix des plus beaux pas de danse revient sans nul doute à mon camarade cité plus haut, qui bien qu'absolument pas connaisseur du groupe a semblé trouver le moment tout-à-fait agréable. Il faut dire que pendant tout le set, l'énergie twee est absolument prenante, communicative, toujours dansante, parfois émouvante aussi. Après avoir salué toute la soirée d'applaudissements nourris, le public demande fort logiquement un rappel, obtenu comme il se doit. Alors que des jeunes filles veulent obtenir en échange d'une rose dieu sait quelle faveur du bassiste, je réclame (au risque d'y laisser ma voix) avec un couple de voisins de concert particulièrement sympathiques que soit jouée la géniale Henry Rollins Don't Dance (=>) ... Nous serons entendus en clôture par le groupe pour un dernier très grand moment de bonheur, histoire de ne pas finir sans avoir laissé nos jambes s'épuiser complètement. La suite appartient à l'histoire, puisque j'escroque mon camarade de quelques euros pour acheter le CD du groupe sur leur stand, avant de danser ridiculement sur du Devo et du Kraftwerk (merci le DJ), puis, au moment de partir, d'aller remercier de quelques mots sans doute un peu maladroits (j'ai à l'évidence un déplorable accent quand je parle anglais et que j'ai un peu bu) Elizabeth pour ce concert qui a fait éclater ma jauge de joie de vivre. Et, signe qui ne trompe pas, en écoutant leur album ce matin (c'est-à-dire le lendemain du concert, au moment où j'écris ces lignes), en plus du sourire béat que ces chansons déposent sur mon visage, une pointe fine et délicieuse de nostalgie vient me rappeler qu'hier soir, tout était parfait ... au point de me rendre (ainsi qu'à, je l'espère, la plupart des gens venus au concert) tout simplement heureux.