Le Lundi soir, c'est rarement la folie, faut bien l'avouer. Sauf que ce Lundi soir, 4 Avril, rendez-vous était donné par l'admirable asso La Chatte à la Voisine (=>) pour un concert du côté du Saint des Seins. En vedettes, les Californiens de Crocodiles (qui réussissent l'exploit de situer San Diego sur la carte), porteurs d'un noise-rock crasseux et bruyant, à l'énergie contagieuse, du moins sur album, comme en témoigne leur très bon second effort, quasiment sauvé des eaux par Fat Possum, et intitulé Sleep Forever. Un groupe passé par la ville rose il y a tout juste trois semaines, mais en première partie des White Lies, ce qui n'avait rien de très motivant, il faut bien l'avouer. Or, cette séance de rattrapage étant proposée pour 5 euros, et autant de minutes à pied, l'occasion était trop belle de plonger dans la reverb, tout en prenant quelques craquages guitaristiques dans les oreilles. Et j'étais loin d'être le seul à avoir adhéré à l'idée, puisque c'est une foule compacte qui occupe le bar à mon arrivée. Blouson de cuir de rigueur (désormais, ça relève plus de l'accessoire de mode qu'autre chose), même si je me démarque en ayant vu plus léger, puisqu'il fait sacrément chaud une fois à l'intérieur. L'ouverture était assurée par les Toulousains de Ewes (=>), une bande qui avance sa mixité, et sans doute aussi sa jeunesse. Difficile de leur en vouloir : la chanteuse assure sans trembler, le guitariste au visage barré par une mèche de cheveux imposante se débrouille pas mal pour envoyer des riffs garage assez crades. Reste que les compositions peinent à susciter un réel intérêt, en l'absence de mélodies fortes, d'idées séduisantes, et alors que quelques breaks tombent plutôt à plat. Une sensation renforcée par le fait qu'ils jouent des reprises (Hard To Explain de The Strokes, notamment) qui fatalement, sortent du lot. De quoi satisfaire quelques amis à eux venus les soutenir, de quoi taper du pied aussi, de quoi faire honnêtement patienter donc, sans qu'ils ne se montrent ni brillants, ni gênants. Le temps de discuter avec mon camarade de concerts venu en retard (quelle surprise ...), et les Crocodiles sont finalement rapidement en place. Nous sommes placés assez loin de la scène (tout est relatif vue la taille du bar) quand le set est entamé d'une intrigante Sleep Forever. S'en dégage une violence encore un peu contenue, mais surtout l'impression que quand tout va se déchirer, ça va être complètement sauvage. La confirmation vient assez vite, puisque les titres s'enchaînent sans temps mort (le groupe s'arrêtera pour nous remercier, et nous laisser les remercier en tout et pour tout une fois pendant le set, une fois pendant le rappel). Le single Hearts Of Love est glissé assez tôt dans le set au grand plaisir de l'assistance. Le groupe semble bien s'éclater sur scène, entre un Brandon Welchez possédé au chant (au passage, je précise que non seulement il ressemble énormément à un camarade, que je qualifierai de "cycliste" pour qu'il se reconnaisse, mais en plus, il lui a piqué toute sa gestuelle), un Charles Rowell branleur au possible à la guitare, mais tout de même très très bon pour faire ressortir des mélodies défoncées, et une section rythmique très solide, parfois brutale. Il y a aussi une fille aux claviers, mais trop effacée pour que je me prononce sur son cas. Bref, nous profitons de l'entrée dans Mirrors, qui a ma préférence depuis que j'ai découvert le groupe, pour nous frayer un chemin vers la scène, histoire aussi pour moi de mettre un peu de bordel, tellement cette composition bouge dans ma tête et me rend fou à chaque fois (les premiers rangs me pardonneront pour la légère bousculade occasionnée). Quel plaisir en tous cas, sur tout le set, de profiter de cette voix sous effets, clairement venue d'ailleurs, et de cette guitare tantôt tranchante, tantôt bruyante au point d'en être enveloppante (Summer Of Hate, noyée dans un bruit forcené). Et puis ces compositions respirent toutes une classe un peu usée, entre mélodies 60's d'évidence, et atmosphère frelatée, drogues et noirceur renvoyant aux Jesus & Mary Chain (mention entre autres à la superbe And All My Hate And My Hexes Are For You, qui pue l'absolu désespoir), ou à Spacemen 3. La seule pointe de frustration concernera finalement la durée du set, sans doute bien trop courte pour une tête d'affiche (allez, deux chansons de plus, et on aurait rien dit). Mais qu'importe, car cela joue peut-être aussi de la distance créée avec le public (avec l'absence quasi-totale de sourires, et de communication), qui rend la musique des Crocodiles non pas attachante, mais viscérale, hallucinée. Bien que vite traversé, le marécage laisse des traces, et aura surtout marqué les esprits.